Montréal le mercredi 16 juillet
2014
Le débat autour de la Constitution
du Québec.
Si vous le voulez bien, nous
allons faire un peu d’éducation à double sens. De la pédagogie réciproque. On
peut aussi appeler cela du dialogue, de la concertation, l’essentiel étant
d’éviter autant que possible, cette cacophonie où chacun expose son point de
vue (toujours changeant) et ne participe que s’il est d’abord écouté… autrement
rien à faire. Pour être écouté il faut donner l’exemple !
Tout le monde n’est pas également
doué pour énoncer des idées, proposer des avenues de croissance démocratique.
Nous nous entendons presque tous pour écrire et dire qu’au fond, la vraie
démocratie n’existe pas. Dans les faits
il n’y a de vraie démocratie que relative. Elle dépend de ceux et celles qui
s’impliquent. Ceux-là sont toujours minoritaires.
Cependant dites-vous bien que les
groupes de citoyens participants, éclairés, représentent très certainement ici
au Québec une foule capable d’agir, beaucoup plus grande que tous les
politiciens et les arrivistes ou les affairistes existants mis ensemble. Quant
aux citoyens politisés, ils forment des groupes considérables, qui s’évaluent au
fil des élections, en pourcentages de votants autrement plus conséquents. En tout état de cause, les gens politisés à des degrés variables, constituent quand même quelque 50 à 70% des votants, même si on peut raisonnablement s'interroger sur la valeur de leur implication politique. Mais il en va de même de tous ceux et celles qui militent dans des partis.
Eux aussi sont minoritaires et pas à peu près. En somme ce sont des individus, vraisemblablement quelques milliers, qui assument la marche, bonne ou mauvaise d'un état, et le Québec ne fait pas exception. Si ce n'est qu'ici, malgré les magouilles, les choses se passent paisiblement.
C'est déjà énorme! Pour une démocratie, plus ou moins participante c'est exceptionnel. Puis ensuite, que ce soit dans les partis politiques ou ailleurs, la ‘’classe dirigeante’’ est souvent évaluée à quelque chose comme 1% de la population, et son pouvoir lui vient de plusieurs sources. Comparée à la classe des votants c'est si peu, et cela nous amène à nous interroger sur l'énorme pouvoir qu'ils arrivent à occuper. Grande leçon. D'où leur vient donc ce pouvoir?
Eux aussi sont minoritaires et pas à peu près. En somme ce sont des individus, vraisemblablement quelques milliers, qui assument la marche, bonne ou mauvaise d'un état, et le Québec ne fait pas exception. Si ce n'est qu'ici, malgré les magouilles, les choses se passent paisiblement.
C'est déjà énorme! Pour une démocratie, plus ou moins participante c'est exceptionnel. Puis ensuite, que ce soit dans les partis politiques ou ailleurs, la ‘’classe dirigeante’’ est souvent évaluée à quelque chose comme 1% de la population, et son pouvoir lui vient de plusieurs sources. Comparée à la classe des votants c'est si peu, et cela nous amène à nous interroger sur l'énorme pouvoir qu'ils arrivent à occuper. Grande leçon. D'où leur vient donc ce pouvoir?
La première source étant que cette
classe dirigeante est organisée. Elle est structurée. Elle est agissante. C’est
une armée disciplinée qui agit en vue d’un but, celui-ci étant de diriger le
pays ou la nation, selon ses intérêts.
La deuxième cause est celle de la
piètre organisation des classes et des groupes de citoyens aptes à voter, qui
se subdivisent en sous-groupes :
a) Ceux qui votent ;
b) Ceux qui ne votent pas même
s’ils en ont le droit et le pouvoir. Et parmi ceux-ci il y a les abstentionnistes
et autres objecteurs de conscience, pour qui tout ce qui touche de près ou de
loin à la politique a des relents de fosse d’aisance ; puis
c) Les indifférents qui s’en
sacrent totalement. Quant à ceux qui votent, ils dilapident leur énergie dans
d’innombrables entités, qui souvent ne se distinguent les unes des autres que
par des détails sémantiques.
La troisième cause tient à
l’éparpillement des forces progressistes nationales, qui non seulement ne
travaillent pas ensemble, mais insistent pour que ce soit ‘’leur vision’’ d’un
monde meilleur qui s’élabore, et pas celle de ‘’l’Autre’’. Dans le fond, ces groupes ne se contentent pas
de s’opposer au pouvoir organisé en place, ils font invariablement les procès
de tous ces autres qui ne sont pas au pouvoir, qui y aspirent, et sont déconsidérés
comme autant de scélérats potentiels. En définitive, ils font le travail du
pouvoir, qui pendant ce temps-là fait ses petites affaires.
C’est beaucoup plus répandu qu’on
ne le pense, et la dernière élection, celle du 7 avril au Québec, en est la
démonstration la plus navrante et la plus percutante. On entre ici dans le
trouble domaine des certitudes louches, des prises de positions fermes et
irascibles, susceptibles à la limite du supportable. Les buts sont rarement
nobles, et la manière d’agir est d’un égoïsme que je qualifierais de féroce.
Cela n’existe pas dans la classe
dirigeante (enfin oui ça existe, mais l’esprit de parti qui récompense
l’obéissance, freine ces velléités disparates) dont les buts sont terre à
terre, peu importe les croyances individualisées. Dans les classes dirigeantes
on recherche l’argent, le pouvoir pour le pouvoir, et s’il en reste, le bien
commun. Si c’est payant en retour. Chez la classe dirigeante il y a aussi des
égoïsmes, lesquels sont noyés par l’appât du gain, qui fait taire les plus
voraces appétits à l’aide de prébendes, de postes prestigieux, et ainsi de
suite.
Il y a une quatrième cause qui
est la plus répandue, la plus écrasante par son inertie, et c’est l’ignorance
généralisée de ce qu’est la Chose Publique. Il n’y a pas dans les écoles dès le
plus jeune âge, d’éducation civique. Certes on y donne des cours de morale,
mais ce n’est pas la même chose. L’immense majorité des gens ignore comment
fonctionne leur État. Ne savent que peu de choses sur le Droit, mais sont
soucieux de ‘’leurs’’ droits, sans trop savoir de quoi il retourne. Devenus adultes
et conscients, ils doivent apprendre à la dure à décoder les arcanes complexes
des lois, et des mécanismes qui font ces lois. C’est long et lourd.
Une cinquième cause, et celle-ci
est assez cocasse, est cette quantité effarante de gens de tous âges, qui se
sont inventés dans leur psyché, une société de droit dans laquelle ils sont
juge et partie. Ils ne connaissent pas le Droit, le vrai Droit inscrit dans les
lois et la jurisprudence, mais ils se sont inventés des droits sortis de leur
imaginaire, dont ils appliquent les règles absolues et brouillonnes, au petit
bonheur de leur intérêt personnel. Le plus loufoque dans cette affaire de droits, est le cas de ceux (assez nombreux ma foi) qui prennent les lois au pied de la lettre. Ils en connaissent quelque-unes qu'ils citent à tort et à travers, en hurlant de préférence, histoire d'écraser leurs contradicteurs. Ce sont les pathétiques de la politique. Arrogants, confiants, sur d'eux ils sont d'une ignorance sidérale, quant à l'historicité des lois. Ils s'en tiennent à la lettre, et l'esprit leur échappe complètement.
On peut ergoter interminablement
sur des concepts tels que le citoyen, le peuple, la classe. Ces débats durent
depuis des siècles. Avec des nuances locales on sait à peu près ce que ces
mot-là signifient. Il y a beaucoup d’écoles de pensée dont le rôle est de
tenter depuis des millénaires, d’éclairer à la fois les individus et les
peuples.
Ce que je dis ici représente mon
opinion, ma culture, mon point de vue. Ce point de vue a considérablement
évolué depuis le temps, mais y persiste, un fonds d’intentions et de
connaissances qui, bien que changeantes, adaptables, demeurent comme chez tous
les hommes de bonne volonté, la recherche du bien commun, l’amélioration de la
condition humaine. Vaste projet !
D’après les commentaires que je
lis sur le forum dédié à la constitution, il m’apparait que les participants
pour la majorité ne sont pas des arrivistes, ne sont pas assoiffés de pouvoir
malsain. Ils cherchent tous, et souvent ça grince, à accoucher d’une méthode
d’organisation sociale qui fasse consensus. Et bien évidemment ils n’y
arriveront pas, parce que c’est impossible. C’est la quadrature du cercle.
Cependant il faut quand même
qu’un pays, cet espace commun à tous les citoyens qui veulent vivre
paisiblement ensemble, ait des institutions qui représentent un immense compromis
positif.
Attention ici…il m’arrive souvent de dénoncer les compromis, et je me
compromets en en faisant presque l’apologie. Il y a donc compromis et
compromission. Faire un compromis c’est mettre de l’eau dans son vin. C’est
reconnaître que nous sommes d’abord des individus, tous typés, qui veulent
toutefois tous la même chose, mais pas de la même manière. Une compromission
vient de la part d’un individu ou d’un groupe ayant des principes, qui décide
de les abandonner (temporairement disent-ils) pour des raisons stratégiques ou
opportunes. Au fond ces gens remplis de principes, font assaut de vertu, et
pèchent continuellement contre cette vertu.
D’où l’intérêt d’une
constitution. Des constitutions il y en a des dizaines de milliers (privées et
publiques) et seules fonctionnent efficacement (+-) celles qui, quoique souvent
boiteuses, sont acceptées par l’ensemble majoritaire des participants. Vous
n’écrirez pas de constitution parfaite. Elle devra donc comporter des
mécanismes très souples de mise à jour continus. Commençons par en écrire quelques-unes,
comparons-les, puis condensons-les en un agglomérat acceptable par une majorité.
En invitant tous les dissidents à s’y rallier, parce que cette constitution-là,
quoique imparfaite, devra comporter des articles qui permettront aux dissidents d’aujourd’hui
et de demain de s’exprimer, d’être écoutés, qu’ils aient l’assurance que cette
écoute ne sera pas seulement formaliste.
Dans un tel esprit de
conciliation, mot que je préfère au compromis, c’est jouable.
Bien sur que cela ressemble aux
propositions partisanes où, lors de congrès, des groupes proposent des
articles, suivis d’amendements. Après quoi les élites du partis fourguent tout
cela au grenier des discussions, et les partisans se retrouvent comme avant,
Gros Jean comme Devant.
Mais les partis politiques ont
dans leurs rangs eux aussi des dissidents, susceptibles parfois de foutre la pagaille
dans les actions des dirigeants. Ça s’est vu souvent. Surtout au P.Q., qui dans
ce domaine est probablement le parti le plus démocratique que nous ayons jamais
eu. Or et c’est curieux, le P.Q. lui aussi a ses élites dirigeantes, mais sa
base militante est plus puissante que sa tête dirigeante. Curieusement ce parti
qui a tout pour plaire à un électorat éclairé, politisé, a toujours tiré le
diable par la queue avec ses interminables empoignades de clans et
d’antagonismes. À force de discussions politiques démocratiques, il a finit par
lasser tout le monde, et son père. Paradoxe, c’est la démocratie participative
qui assassine le P.Q.
Qu’est-ce à dire ?
C’est que le peuple
comme vous dites, est une entité autrement plus éthérée qu’il n’y parait. En
fait le peuple n’est jamais autre chose que le reflet étudié, par ceux qui
savent écrire et parler, d’un dénominateur commun culturel dans tous les
domaines, et qui représente une nation. Le peuple s’explique par de grands
thèmes généraux, à commencer par la langue. Alors que l’individu existe par
d’innombrables travers, tics, manies, habitudes qui sont toutes singulières et
jamais collectives. Certes en tant qu’individus membres d’un peuple, nous nous
identifions à des valeurs collectives, mais elles sont quasiment impossibles à
définir de manière à englober tous les individus qui font partie d’un peuple.
Les discussions autour de la Charte de la Laïcité sont le reflet du caractère
flou des valeurs communes.
Voulez-vous savoir pourquoi ?
Parce que les peuples n’existent
pas. Exister c’est naitre, c’est grandir, c’est concret, palpable. Un être qui
existe est en quelque sorte sortit du vide si on veut, et est vivant de chair
et de sang. Le mot exister le dit, c’est une sortie du néant pour faire son
entrée dans le monde des vivants…c’est vraiment très mystérieux et fascinant
non ?
Les individus qui forment les
peuples sont seuls à pouvoir évoluer parce qu’ils sont seuls à exister. Bien
évidemment il y a des peuples quand même. Ils représentent un conglomérat de
citoyens individuels qui s’identifient collectivement à des valeurs communes.
Cela ne confère aucune sagesse à quelque peuple que ce soit, mais permet à de
nombreux individus de parler et de former cette entité abstraite qu’on nomme
peuple. Et que le peuple soit une abstraction ne lui enlève rien de sa valeur,
bien au contraire. L’Art aussi est abstrait en tant que concept, mais les
artistes et artisans sont réels, et ce sont eux qui font l’Art.
Une fois qu’on a compris cela, on
admet qu’une constitution populaire ne pourra être qu’un morceau de papier plus
ou moins précieux, qui s’adresse à tous en général, et à personne en
particulier. Sauf que tous ceux qui sont pour, les contre et les indifférents
(qui forment la majorité) accepteront de s’y rallier, du moment que cette
constitution accouchera d’institutions qui garantiront la liberté, les droits
et tout ce qui va avec.
Il restera toujours des tas
d’individus, ignorants, incapables de comprendre les grands enjeux politiques
et sociaux, qui grogneront dans leur coin, refuseront de participer, et parfois
aussi se livreront à des violences, inexplicables autrement que par le caractère
quelque peu animal, qui persiste encore dans certaines consciences restées à
l’état de brute. Un de mes amis me fait
parfois remarquer avec humour qu’il y a beaucoup de citoyens qui pensent avec
leur cerveau reptilien, plutôt qu’avec leurs modernes encéphales. On fera avec.
Dites-vous bien que ces
discussions autour d’une constitution ont une grande importance, quelle qu’en
soit le résultat s’il y en a un, un jour. Ces discussions-là forment l’esprit
civique, l’esprit citoyen. C’est civilisé, c’est grand. J’aime.
Mais je vous pose quand
même ces questions :
‘’ Pourquoi voulez-vous absolument une constitution ?’’
-Est-ce qu’une Assemblée
Nationale, un Parlement, ne serait pas suffisant avec ses fonctions bien
définies, pour assurer que les droits communs et privés seront respectés ? Le
Québec a déjà de nombreuses chartes ayant force de lois, qui définissent les
droits et devoirs de chacun.
Alors encore une fois, pourquoi une constitution ?
Julien Maréchal