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lundi 8 juin 2015

Indépendance du Québec. Élection ou Référendum?



Chapitre Septième
Élection ou référendum?

Comment faire l’indépendance autrement que par un référendum, et pourquoi ?
D’abord, première question à se poser, pourquoi faire un référendum ?
Parce que c’est une consultation générale sur un sujet d’intérêt général (oh combien!) d’une importance capitale. Il est donc impératif de ne pas noyer le sujet référendum dans une foule d’autres préoccupations, qui relèvent de la marche quotidienne des affaires de l’État et de la société. Voilà pour la raison d’être du référendum. À question importante, démarche de consultation importante.
L’avantage d’une telle procédure est qu’elle permet de canaliser les énergies sur un seul sujet de taille, et d’en souligner ainsi toutes les tendances au crayon gras. Histoire de brosser le portrait le plus précis possible de l’humeur générale et des sentiments particuliers. Cela a pour effet immédiat, et c’est visible comme le nez au milieu de la figure, de faire ressortir au grand jour les partis-pris de chacun, de favoriser les alliances autour des mêmes prises de position, et de même, permet de définir précisément les alliances et les antagonismes. Un référendum est au fond une démarche assez simple, plutôt brute, où les sentiments personnels sont exacerbés par leur addition. C’est un effet de gang. De foule, pour ceux qui n’aiment pas le mot.
On voit tout de suite le parti qu’il y a à tirer d’une telle démarche, alors que les partisans des différentes options se regroupent sous des bannières clairement identifiées. Dans un référendum on sait qui est qui, et pourquoi. Cela n’exclut absolument pas les magouilles, les tricheries, les fourberies, mais elles se font au grand jour.
L’autre avantage du référendum c’est son caractère éminemment légitime, dans la mesure où l’exercice se fait dans un pays où les institutions et les procédés de consultations populaires sont fortement démocratisés par l’usage. Dans les pays où cela n’existe pas on utilise aussi le référendum, mais c’est celui de la violence. C’est le référendum armé. On se regroupe en factions, non pas pour juger démocratiquement d’une option, mais pour en découdre.
L’adversaire, considéré comme tel en milieu démo-cratique, et respecté même et surtout s’il est d’un avis contraire, devient dans les pays non démocratiques, ennemi à abattre, est pris à partie comme scélérat, là ou les institutions civiles n’existent pas, ou bien sont faibles. Tyrannies, despotismes, oligarchies, plouto-craties, théocraties, et autres vilenies, telles que dictatures, impérialismes, colonialismes et ainsi de suite.
Au Québec nous avons une des plus vieilles sociétés démocratiques de la planète, et de plus elle fonctionne.
Ici pas de dictature militaire, et un parlement qui fonctionne depuis 241 ans. Bref, nous sommes des gens civilisés. Bravo !

Cependant, on l’a vu, le référendum a aussi son bât qui blesse. Il a pour effet négatif de résoudre en équation simpliste je dirais, une problématique complexe. C’est sans doute nécessaire, parce que comprendre tout le fonctionnement d’un pays dans ses moindres détails, avant de poser un jugement sur la somme de toutes ses institutions, est une affaire de spécialiste. Les gens qui travaillent tous les jours, et qui vivent leur quotidien, n’ont pas que ça à faire. C’est-à-dire de continuellement examiner scrupuleusement toute la structure administrative de leur pays. C’est une tâche herculéenne épouvantablement fastidieuse pour le non initié.
Il faut donc se résoudre à en synthétiser les enjeux, à en supputer les effets à coups de slogans, de clichés faciles à comprendre. D’où la nécessité de campagnes orchestrées par des partis politiques, où des regrou-pements, des coalitions, se mettent sous une bannière rassembleuse. On est ici bien plus dans le domaine du théâtre ou du sport, que dans celui de la raison tempérée.
Dans le cas d’un référendum sur l’indépendance, le camp du OUI et celui du NON, voilà !
Ainsi présentée, l’affaire, pour simplifiée qu’elle soit, a le mérite d’être claire. Et autre argument en faveur de l’élection référendaire c’est qu’elle se représente à chaque élection. Soit aux 4 ans. Là où un référendum national fige les antagonismes sur plus de quinze ans selon l’expérience d’ici.
Cependant elle dresse quand même les adversaires les uns contre les autres, elle les antagonise. C’est un exercice lourdement chargé d’émotions extrêmement variées. Qui n’arrivent pas toutes à s’exprimer au mérite.
De là de nombreuses frustrations, qui vont s’exprimer maladroitement. Elles vont provoquer des éclats, des mises en accusation, vont faire monter la tension au point qu’elle deviendra au fil des jours, une joute généralisée de règlement de comptes.

Il faut vraiment que ayons le pacifisme rivé au cœur et à l’âme, pour avoir pu ainsi supporter par deux fois un exercice si traumatisant, sans que cela ne se soit terminé dans une empoignade sanglante généralisée. Quand je vous disais que nous étions un peuple exceptionnel.
Pas étonnant dans ce cas que les gens aient maintenant l’air (personnellement je sais que ce n’est pas vrai, mais moi je ne détiens aucun micro pour le dire) de ne plus vouloir de référendum.
Les affirmations répétées au sujet d’une présumée lassitude des foules sur la question de l’indépendance ne sont que de la propagande. Elle est particulièrement pernicieuse du fait qu’elle émane de conglomérats médiatiques qui pour la plupart sont contre l’indépendance.
Je l’ai dit plus haut, le débat se fait maintenant sur Internet plus qu’ailleurs.
Certes l’atmosphère qui précède la tenue d’un référendum est exaltante. On se sent vivre intensément, l’euphorie gagne les participants. Pour un court moment l’existence devient trépidante. Dans un monde comme le nôtre, où le quotidien est généralement routinier, une telle dynamique a quelque chose qui s’apparente à une sorte de fête carnavalesque, où les défoulements sont permis, encouragés.
Mais point trop n’en faut. L’exercice terminé sous le signe du blanc et du noir (le Oui et le Non) a des relents de lendemain de brosse.  En cas de score égalitaire ou presque, on se retrouve avec des gagnants pas trop sur d’eux, et des perdants franchement fort mécontents et pas du tout résignés.
Le fairplay en matière de sport passe encore, mais quand il s’agit de son pays la pilule est dure à avaler.
Puis le temps fait son œuvre, les adversaires se réconcilient vaille que vaille, mais ce n’est que partie remise.
Et c’est tant mieux que les choses se passent ainsi. Toutefois ce n’est pas un exercice dont il faut abuser. Dans le cas d’un référendum, comme le dit l’adage de la Société des Alcools du Québec, la modération a bien meilleur goût.
Il y a eu déjà deux référendums à 15 ans d’intervalle au cours des 30 dernières années sur le sujet de l’indépendance, et au bout des deux exercices on se retrouve au coude à coude. La question en phase d’être tranchée, a fait apparaître une fracture dans la société québécoise. Fracture que le référendum n’a pas provoquée certes, mais qu’il a mise en lumière. Cette fracture existait déjà et le vote l’a fait apparaître au grand jour.
Pour décider de l’affaire on en est encore rendu à espérer un score quasiment égal, plus un vote qui tranchera. Je ne voudrais pas être ce votant qui déciderait ainsi du sort de toute une nation.
On a beau dire ici et là qu’une victoire acquise avec un seul vote de majorité trancherait la question, même si le principe est valable, il l’est surtout pour des votes sur de petits nombres de participants. Avec 50 ou 100 votants, l’affaire se conçoit, mais avec cinq ou six millions, ce vote ne pèse pas lourd, est facilement contestable et n’a rien de décisif.
Surtout si un quelconque adversaire décide de lui faire la peau. Je vois mal comment un recomptage si méticuleux qu’il soit pourrait maintenir un tel résultat. Nous ne sommes pas ici dans le roman de Jules Verne l’Île à Hélice.

L’exercice ayant donc été fait en respectant les règles de l’art…oui bon je sais bien que les deux référendums sont loin d’avoir été réalisés dans un contexte d’absolu respect de toutes les règles, non ce n’est pas ce que je veux dire…mais dans l’ensemble, et en tenant compte que nous sommes des humains, nous avons fait humainement ce qu’il était possible de faire.
Avec son lot d’exaltations, de bonne foi et de tricheries, mais ça c’est la nature humaine.
On pourrait refaire l’exercice autant de fois qu’il pourrait être nécessaire, avant d’arriver à un résultat qui serait finalement accepté par tous. Les gagnants comme les perdants s’inclineraient et voilà, l’affaire serait réglée dans un sens ou dans l’autre pour des générations. Peut-être…
Je ne suis pas sur qu’une telle fin de débat aurait pour effet de réconcilier tout le monde. D’autant plus que des sociétés parfaites, harmonieuses, cela n’existe que dans de pathétiques utopies essentiellement littéraires.

Alors comment procéder pour arriver à quelque chose de plus probant ?
Il y a et restera encore longtemps, du moins je l’espère, l’exercice pacifique de la démocratie. Donc des élections.
Celles-ci sont dans nos mœurs, et personne ne se formalise vraiment qu’elles soient à répétition à presque tous les quatre ou cinq ans. Nous sommes rompus aux rencontres près des boites à scrutins, et tout le monde y trouve son compte. C’est encore ce qu’on a fait de mieux en fait de participation générale à la bonne marche de la société. Si on manque son coup une fois, on peut se reprendre la prochaine fois. On peut même changer d’idée ou de parti aux quatre ans. Quant à ceux et celles qui rechignent devant les coûts d’élections à répétitions, il faut faire remarquer à ces têtes légères que des empoignades à coups de cocktails Molotov, avec intervention d’escouades anti émeutes, puis des lendemains empoisonnés par des ruines de toute sorte, cela ne se compare pas. D’autant plus que des élections ça fait travailler beaucoup de monde. Les élections sont d’excellentes affaires. Elles valent bien un ou l’autre de nos nombreux festivals.
On imagine que le Parti Québécois ou un autre parti briguant le pouvoir lors d’une élection, proclame qu’il va faire l’indépendance s’il est élu. En ajoutant…avec l’accord majoritaire de l’Assemblée Nationale. Bon!
Les élections se passent, le parti en question  est élu  avec une  majorité ou une minorité de sièges, ce n’est pas vraiment ce qui compte. L’important, c’est qu’il y ait à l’Assemblée Nationale, une majorité d’élus favorables à l’indépendance sous une forme ou une autre. Donc avec le parti au pouvoir, et ceux dans l’opposition qui sont également pour une forme d’indépendance.
Et que ces élus puissent se targuer de représenter également une majorité d’électeurs. Eux aussi favorables à une forme ou une autre d’indépendance, de souveraineté, d’autonomie. Au fond ces formules expriment un sentiment général de mieux maîtriser nos affaires.
Quoi qu’il en soit le parti qui détient les rennes du gouvernement propose sa loi sur l’indépendance, et tente de la faire voter, sans référendum. Elle passe avec le support de tiers partis, ayant ensemble une majorité absolue.
Je parle ici d’une éventualité dans laquelle plusieurs partis ont l’option indépendance inscrite dans leurs programmes respectifs, sous une forme ou une autre. Au Québec il y en a au moins quatre, et un autre à Ottawa.
Le Parti Libéral du Québec, fédéraliste inconditionnel, s’y oppose véhémentement. Au décompte une majorité favorable à la naissance du pays gagne en nombre de sièges, et supplante son adversaire avec une représentation de 62% de support populaire exprimé par l’électorat, et bien évidemment une majorité de sièges. L’affaire est dans le sac.
C’est la volonté nationale qui s’exprime par la loi, sans contestation sérieuse possible. Ne reste plus alors qu’à proclamer l’indépendance du pays, et là encore l’unanimité n’est pas nécessaire, la majorité suffit.  C’est d’ailleurs comme cela que le Canada a été créé.

Je n’en veux pour preuve que dans le passé du Canada, des référendums il y en a eu, et ils ont servis ceux qui en ont fait les promotions, sans qu’il y ait unanimité.
Mieux encore, dans l’éventualité où un parti favorable à l’indépendance occuperait le pouvoir, il pourrait réaliser une forme d’indépendance (d’autonomie) qui rallierait une majorité de votants. Après quoi, d’autres gouvernements encore plus revendicateurs, viendraient à leur tour bonifier ce premier acte revendicateur autonomiste, et détacher progressivement les derniers liens qui attachent le Québec au Canada.
C’est une démarche prudente, qui n’oppose plus les électeurs en deux groupes tranchés radicalement, mais qui leur permet pour des motifs pointus (j’allais dire pointilleux) beaucoup plus variés, auxquels ils tiennent pour des raisons personnelles et locales, de voter en quelque sorte pour une indépendance certes diluée, mais moins traumatisante.
Si on me demandait mon avis, je dirais qu’advenant une élection avec à la clef l’enjeu de la séparation du Québec du Canada je voterais ‘’pour’’ sans l’ombre d’une hésitation.
Une indépendance à la pièce pourrait s’éterniser et être encore plus contraignante que le statut quo.
Maintenant imaginons un vote libre à L’Assemblée Nationale sur cette question cruciale.
Bien évidemment à partir du moment où le gouver-nement est indépendantiste, tous les élus du gouvernement vont voter pour. Il ne faudra qu’un tout petit nombre de députés de l’opposition pour voter avec le gouvernement, et ainsi l’aider à franchir allègrement la barre des 50% d’électeurs et plus qu’ils représenteraient alors. Disons 3 ou quatre mille votants de plus que le 50 % + 1 nécessaire. Pas assez pour faire 51% mais entre les deux. Le décompte en serait fait à partir des données du Directeur Général des Élections qui sait où et pour qui les gens ont voté comté par comté.
Ce serait suffisant.
Encore là il serait préférable d’avoir en bout de ligne un score plus significatif, mais légitimement ce serait OK et le processus politique, qui doit primer toute considération légaliste, l’emporte ici haut la main…vox populi…vox populi.
D’autre part, si des partis de l’opposition, qui ont (ou qui ont eu) l’indépendance du Québec dans leurs programmes,  refusaient pour des motifs partisans, de voter OUI à l’indépendance de leur pays, cela aurait pour première conséquence de retarder pour bien des années encore, l’aboutissement normal d’un processus parfaitement légitime et nécessaire.
On aurait l’air fin en tant que Québécois. Quant à la crédibilité politique de ces partis incohérents, elle serait réduite à néant. Mais avec l’indépendance ainsi discréditée, ce serait les adversaires de la liberté qui s’en frotteraient les mains.
Peut-on aussi faire l’indépendance sans référendum et sans élection référendaire ?
Oui certainement, mais pour cela il faut que le peuple tout entier descende dans la rue et la réclame.
Cela s’est fait récemment.

Dans des pays autrefois membres de l’URSS.
Mettons que ce n’est pas vraiment notre genre.

Julien Maréchal
Québec 3e Round (2012)
Bibliothèque Nationale du Québec
Grande Bibliothèque

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