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mardi 1 avril 2008

Québec Troisième Round (2)


Québec Troisième Round ''Chapitre Deuxième''
La suite au 'Chapitre troisième' le 8 mai 2008
1er Avril 2008
Chapitre Deuxième
Le Pays Rêvé
Un pays ne se fait pas avec des bilans comptables mais avec des rêves.
Les humains rêveurs
Depuis 1995, année du dernier référendum, celui qui a donné des sueurs froides aux fédéralistes, il s’est glissé sournoisement, insidieusement dans la trame du quotidien des Québécois - surtout parce que beaucoup de commentateurs de l’actualité politique en ont décidé ainsi - que l’indépendance serait devenue on ne sait trop ni pourquoi ni comment, (dépit, résignation, défaitisme, et aussi quelques opportunismes variés) une affaire ennuyeuse, et pourquoi pas dépassée.
Pour plusieurs de ces commentateurs blasés, aigris, l’indépendance ne s’est pas encore faite, malgré des élections à répétitions du Parti Québécois porteur de cette option originale. Et cela leur suffit pour enterrer le projet.
Deux référendums, dont le dernier a été l’objet de toutes les analyses, à partir desquelles on a fini par comprendre, que n’eut été des magouilles des fédéraux (on n’a pas fini d’en jaser) notre indépendance serait maintenant une réalité. Dans les faits, nous n’avons pas perdu le référendum de 1995…on s’est fait fourrer, on nous l’a littéralement volé.
Ce constat est de notoriété publique, et ne relève nullement d’un dépit de perdant. Après quoi, toujours selon ces commentateurs fatigués, les électeurs en auraient pris leur parti. Se seraient plus ou moins adaptés sans se résigner. Alors que partout ailleurs une telle arnaque se serait terminée dans le sang des émeutes. Nous ne sommes pas pour autant des nouilles, non, nous sommes des gens hautement civilisés. Nous avons accepté de jouer la game (en anglais) avec tout ce qu’elle comporte de coups bas. Nous voulions que tout se passe de manière exemplaire et c’est bien ce qui s’est passé. Pour être exemplaire ce le fut, et pas à peu près.
Les fédéralistes ont magouillé et perverti le jugement populaire, en trichant sur les sommes à dépenser, en violant les loi électorales du Québec, en utilisant des arguments de peur dont l’ignominie n’est plus à démontrer. Nous avons donc perdu (par la peau des dents) soit! Alors la prochaine fois, il nous faudra être moins candides.
À partir de quoi, pour des motifs dépités que je qualifierais d’infantiles (des bouderies), de nombreux commentateurs[1] viennent nous casser les oreilles, en nous répétant à satiété que l’indépendance c’est platte, c’est dépassé, n’en parlons plus, affaire classée.
On ne l’a pas faite ( O.K. d’abord on ne la fera pas… tant pis! ) Céty assez miteux ça, voyons donc?
Ces braves gens, soudainement, parce qu’ils sont fatigués d’une prise de conscience qui continue et qui doit continuer, choisissent de nier les progrès remarquables que les aléas de la politique ont fait de l’option indépendantiste.
De 2% de ferveur qu’elle suscitait il y a à peine cinquante ans, elle est maintenant à près de
70 %
chez les francophones, et de quasiment 50% dans l’ensemble de la population. Chez les Québécois dont l’implantation ici est plus récente, de nombreux signes, surtout chez les jeunes, montrent bien que cette option d’émancipation politique et économique gagne en force.
Aussi, les derniers arrivant, ceux qu’on qualifie ‘’d’ethniques’’ (comme pour les mettre à part, ce qui est très maladroit) commencent grâce à la Loi 101, à saisir les véritables enjeux d’une indépendance nécessaire, dans laquelle ils vont forcément trouver leur compte!
Du moment qu’ils rejoindront démocratiquement les vœux de la majorité francophone.
On peut se le dire sans regarder fiévreusement autour de soi, sans se soucier d’être accusé d’on ne sait trop quel péché. Il y aura toujours des racistes pour nous accuser d’être racistes. Je reviendrai plus loin sur ce délicat sujet.
Personne ici n’oblige personne! Il y a dans l’essence même de notre débat politique et social, un travail de prise de conscience qui se fait lentement mais surement.
Trop de nos commentateurs, aveuglés par les miroitements d’une actualité trépidante, décident parce que ça ne va pas assez vite à leur goût, que cette ‘’indépendance’’ qu’ils ont l’air de ne vouloir toucher qu’avec des pincettes, est maintenant devenue vaguement honteuse. Une sorte d’inaboutissement qu’il conviendrait d’évacuer dans la ruelle. Un triste ratage qu’il faut au plus crisse aller porter aux vidanges, pouah pouah que c’est laid et vieux, ouache!
Dites donc messieurs dames du micro, si notre politique vous ennuie à ce point, de grâce ayez au moins la décence de ne pas nous écœurer avec vos états d’âme de petits blasés. Cessez de venir vous lamenter dans nos haut-parleurs, où décidément vous parlez trop fort, et sur nos écrans, que vous salissez par votre présence, parce que le monde ne marche pas à votre rythme et selon vos gouts. Et quels gouts…pour le moins discutables! Quant à vos humeurs…
Qui donc êtes-vous pour venir ainsi déblatérer contre l’air du temps comme si vous en étiez les gardiens? Vous n’en êtes provisoirement que les rapporteurs, et c’est pour cela qu’on vous paye, alors du respect quoi!
Chaque jour les bulletins de nouvelles (qui n’en sont pas) nous inondent de comptes rendus répétitifs jusqu’à la nausée, sur de sempiternelles et malsaines politiques internationales agressives. Dont certains dossiers sont accablants par leur caractère sanguinaire, récurrent depuis toujours. Griefs séculaires absolument insolubles, quoique toutes les nations de l’univers y soient apostrophées et mises en causes.
Toutes les administrations de la planète prises en otages par ces discours délirants, se trouvent dans l’incapacité d’y apporter ne serait-ce qu’un début de solution. Plus on en parle, plus c’est méchant.
En fait le propos culpabilisant de certaines entités nationales, aux prises avec des problématiques millénaires irréductibles, n’existe que pour forcer la conscience humaine générale, et l’entrainer dans des confrontations qui mobilisent l’attention, au seul motif d’en tirer des dividendes financiers.
Le tout sur de vieux fonds historiques manipulés et pervertis depuis des siècles. Pendant ce temps-là, ailleurs, des peuples entiers souffrent dans l’indifférence collective, de leur incapacité de vivre au diapason d’une modernité progressiste et digne.
Chez nous au Québec, l’idée d’indépendance va son petit bonhomme de chemin sans violence (pour une fois dans l’histoire) et parce que les progrès réels sont lents, hésitants mais constants, vous décidez ainsi qu’il faudrait trancher une bonne fois pour toute, sinon il faut oublier ça ?
Ça va pas la tête ?
L’Indépendance du Québec, et surtout son processus politique sont, je l’affirme ici, une fichue leçon de démocratie participative comme il s’en voit peu dans le monde. C’est un exemple de modération, de réflexion collective courageuse.
Il contient bien évidemment sa part de niaiseries, mais l’essentiel du débat plane bien haut au-dessus des contingences meurtrières qui affligent d’autres contrées.
Dont plusieurs justement sont jalouses de notre modération et de notre maitrise de nous-même.
Allez donc faire une petit tour de rafraichissement historique récent, et essayez si vous en êtes capables, de saisir les différences profondes qu’il y a entre le processus politique d’accès à l’indépendance du Québec comparé, (mettons ici pour prendre des exemples faciles) au Timor Oriental, au Kosovo, à la Bosnie, au pays Basque ou bien encore à la Palestine tiens donc.
La Tchétchénie, autre endroit passionnant d’activité n’est-ce pas ? Je signale aussi pour mémoire la Bolivie, la Colombie, le Zaïre, le Congo, le Liberia, l’ensemble des pays africains ou sud-américains.
Bref, en y regardant de près, on s’aperçoit que loin d’être ennuyante, la politique québécoise est fascinante par son caractère pondérée, et le souci constant de ses citoyens de ne pas se laisser entrainer dans des dérives criminelles, répugnantes par leur caractère outrageant pour la dignité humaine.
Se pourrait-il que ces commentateurs dédaigneux et méprisants ne préfèrent que les explosions, les affrontements sanglants, les atrocités courantes de la guerre, qui font d’abominables manchettes?
Le bruit et la fureur enchantent leurs petites existences mièvres et dépourvues d’agréments?
Si on considère le point de vue des victimes lointaines de tous ces affrontements horribles, on constate immédiatement que notre politique est, et de loin, bien plus intéressante que ces empoignades vulgaires et foutuement dépassées.
Il faut voir et entendre aux heures de mangeailles nationales, alors que les braves citoyens sont accoudés à la table, tous les téléjournaux de toutes les chaines, évoquer sur le même ton sérieusement larmoyant, les corps sanglants, les épaves de voitures tordues, les murs de façades de rues entières descendues sur le pavé. Et ça fume ça mon vieux! Ça brule férocement. Ça se tord les mains sous les visages tchadors, les ambulances qui se fraient un chemin au milieu des gravats rougis. Les malheureux qui courent dans tous les sens comme des fourmis dont on vient de disperser le tumulus d’un coup de pied.
Avec en surimposition sonore la commentatrice qui nous raconte le tout, ajoutant ici et là un détail brulant (tant de morts et tant d’enfants éventrés, de blessés agonisants) et finalement qu’on est-tu ben icitte câlice, ousqu’on peut bouffer en regardant des brutalités à la tévé?
Tu parles d’une bande de sauvages, qui ont l’air d’aimer ça de se foutre en l’air comme ça!
Il y en a je vous jure que non seulement ça ne leur coupe pas l’appétit, mais ça les fait saliver en plus.
Nous pouvons mettre notre énergie débordante, notre fougue créatrice, dans bien d’autres actions exaltantes, que celles qui consistent à réduire en tas sanglants nos semblables…au milieu de ruines fumantes dans des quartiers dévastés par les bombes, et remplis des cris des suppliciés. Tout ça au nom de vieilles croyances les plus infâmes qui soient, et qui servent d’alibi à des motivations plus actuelles et plus ignobles.
Ce n’est pas extraordinaire cela ?
Il vous faut quoi mes bons apôtres? Des souliers épars avec dedans parfois un résidu de pied noirci de sang coagulé, des pleurs au centre d’un cataclysme de briques et de poutres à coté de carcasses de voitures qui brulent, comme dans les plus horribles feuilletons hollywoodiens? Encore si ces épouvantables images ne nous étaient présentées qu’une fois ou deux par année, je comprendrais qu’on soit ainsi pétrifié d’intérêt. L’horreur c’est bien connu exerce une formidable fascination.
Mais ici ce n’est pas le cas. Nous ne sommes plus dans le domaine de l’épouvante anecdotique. Ces boucheries sont monnaie courante. C’est tous les jours, et partout pareil! Vous n’êtes pas tannés de tant d’atroce vilénie?
Ben mes cochons vous n’êtes pas difficiles!
Comment? Vous vivez au milieu de la seule actualité sociale, politique et économique terrestre qui fonctionne selon tous les meilleurs critères de paix et de progrès, et vous trouvez cela platte, ennuyeux ?
Voulez-vous bien vous taire immédiatement !
La politique québécoise est si extraordinaire en soi, si atypique par sa remarquable aptitude à durer dans la sérénité, et à progresser calmement vers son aboutissement logique, qu’à ce chapitre elle a droit à toute la considération des gens soucieux et avides de paix.
Bien sûr si on ne la considère que sous l’angle des déclamations de politiciens généralement peu articulés, qui bredouillent des généralités sur un ton emphatique et pathétique, on piaffe d’impatience. On ne se sent pas porté par des déclarations insipides. On a plutôt le sentiment d’être pris en otage au milieu d’une réunion de conseil de village où l’ennui le dispute au médiocre.
Encore, il y a des conseils de village où la politique est inspirante, et où les édiles y sont colorés et articulés.
Alors qu’attendez-vous (commentateurs et journalis-tes) pour aller vers les gens? Qu’attendez-vous pour aller interviewer des êtres qui sont capables de s’exprimer sur eux et sur nous avec intelligence? Au lieu de nous servir constamment d’un ton navré, les platitudes de politicailleux arrivistes?
Il y a des citoyens, des artistes, travailleurs et gens de métiers, intellectuels, qui voient bien plus loin que ces gens-là. Encore faut-il se donner la peine d’aller à leur rencontre. Sur la rue, assis sur un banc de parc, dans un restaurant, une cuisine, un théâtre. Dans des écoles, des universités, des lieux de pouvoir comme des lieux de création, des lieux de travail, usines, ateliers, commerces. Dans tous ces endroits où on se donne la peine de réfléchir et de penser au lieu de simplement réagir. Il y en a plein de ces gens qui travaillent partout sur la planète, et qui n’attendent que d’être invités pour s’exprimer au sujet de nos lendemains plus libres. Aller vers les gens signifie de ne pas les prendre au dépourvu. Plutôt leur proposer une rencontre à laquelle ils pourront se préparer, et ainsi être en mesure de donner un point de vue réfléchi.
Il y en a à New York, à Los Angeles, à Paris, à Beijing, à Tokyo, à Dakar, partout! Des écrivains, des réalisateurs, des artisans, des artistes, des industriels, des citoyens engagés dans mille entreprises, et qui besognent sur les terrains du quotidien, les pieds dans les problèmes actuels. Parfaitement capables de décortiquer lucidement la politique québécoise, ses enjeux économiques, ses aspirations culturelles.
Il y a des remèdes à tous ces enfantillages ces niaiseries, qui consistent 1) à se présenter soi-même en politique si on s’en sent la vocation, et d’y aller avec une formation de théâtre, un bagage significatif de connaissances et d’intelligence qui fasse date.
2) De voter pour des gens qui en sont dignes et 3) pourquoi ne pas en former? Nous n’avons jamais que les politiciens que nous méritons.
Alors faites correctement votre travail et ayez le plus grand respect pour un débat qui se préoccupe de liberté. Il ne manque de grandiose dans votre bouche et sous votre plume que parce que vous n’en avez pas.
Cette attitude méprisante, ennuyée, est irrecevable venant de commentateurs et d’analystes qui sont les premiers à bénéficier de notre climat de paix. Qui peuvent ainsi s’exprimer sans risquer de se voir déchiquetés ou décapités par une bombe.
Au lieu de vilipender d’un ton blasé de spectateur gavé le déroulement des évènements d’ici, de s’appesantir sur les petits travers de Tel ou d’Unetelle, il importe que chacun ait à cœur de s’enthousiasmer pour une actualité si extraordinaire. Il se passe ici des évènements absolument remarquables.
Des dizaines de pays à travers le temps n’ont pu accéder à leur indépendance qu’après des siècles de violence continue.
D’autres ont sombré dans le néant de l’histoire pour n’avoir pas su, (pas pu ou pas voulu) faire les nécessaires compromis. Alors que chaque pays a sa spécificité, son historicité, sa personnalité marquée du sceau de tous les bouleversements.
Au Québec, ce qui nous caractérise, ce qui nous singularise, c’est notre souci constant de ménager les uns et les autres. De vouloir convaincre par la raison plutôt que par les armes. De garder la tête froide devant les provocations et sous les insultes. De progresser continuellement vers la meilleure Condition Humaine possible. Avec tout ce que cela implique d’hésitations et de réussites. Après quoi on veut nous faire accroire que nous sommes insignifiants?
Je vous pose à tous la question.
Nous prend-t-on pour des caves?
Plus justement encore, nous prenons-nous pour des caves?
Ce que les autres pensent de nous a certainement son importance, toute relative. Ce qui importe au fond, c’est bel et bien ce que nous pensons de nous-même non ?
Ben voyons ! Poser la question c’est y répondre.
Quant à ceux d’entre vous qui exigez qu’avant de voter OUI à l’Indépendance du Québec, on vous fasse la démonstration ‘’absolue’’ que cette démarche vaut la peine d’être faite. Qui insistez lourdement pour qu’on vous définisse avant de voter de quoi sera ensuite faite cette indépendance, je dois vous dire ici que vous êtes dans les patates.
Ce que vous exigez ne tient pas debout, vous demandez l’impossible.
À quoi cela rimerait-il que notre indépendance nationale soit définie dans ses moindres détails, avant de décider collectivement de la faire? C’est insensé!
Nous comprenons tous qu’il faille au cours d’une démarche si porteuse de changements souhaités, s’interroger sur les tenants et aboutissants d’une telle décision. Mais les questions au sujet de notre indépendance, on se les pose depuis 250 ans, et avec plus d’insistance depuis cinquante ans. Que voulez vous de plus?
Le débat politique au sujet de notre identité dure depuis des décennies. Il a son historicité. Le Québec n’est pas apparu comme ça, au détour d’un caprice de l’histoire.
La politique canadienne est remplie elle aussi de vicissitudes, dont le Québec a fait son profit et ses pertes avec les époques, d’accord !
Toutefois, il existe entre le Canada et le Québec un lourd contentieux d’incompréhensions mutuelles qui se sont aggravées avec le temps. Ces griefs histori-ques teintent depuis toujours des relations qui n’ont que très rarement été harmonieuses reconnaissons-le.
Le malaise entre le Canada anglais et le Québec français n’est pas une vue de l’esprit. C’est une réalité qui persiste en dépit des accommodements et des compromis. Certes nous ne passons pas notre temps à nous insulter, à nous colleter et à nous mitrailler dans les rues comme à Belfast ou à Bagdad. Au contraire notre relation est faite de méfiance courtoise et civile, sauf que ce n’est pas de l’engagement envers l’autre. C’est nettement in-suffisant pour favoriser des climats de création sans lesquels l’existence demeure languissante et déprimante. Voulons-nous vraiment nous contenter d’un vécu insipide à l’ombre d’un consumérisme Wall Mart ou Canadian Tire?
Jusqu’ici les protagonistes de cette histoire partagée ont tenté avec des bonheurs très relatifs, de ménager les susceptibilités. Ils ont été contraints par des intérêts communs d’organiser des espaces de coopération mutuelle, et c’est tant mieux.
Cela n’empêche pas que les problèmes entre le Canada et le Québec soient réels.
Le Québec moderne, celui qui s’est fait depuis la Révolution Tranquille, (prise de conscience collective née des grands bouleversements qui ont suivi la guerre de 1939-45) a tellement changé, que les articles du texte confédératif de 1867 sont devenus, après des lustres de placotages légalistes, autant d’empêchements à l’épanouissement des peuples qui forment aujourd’hui le Canada. Pas seulement le Québec.
Quand on évoque le mot peuple au Canada, c’est comme si on prononçait je ne sais trop quelle impertinence, presque une grossièreté.
Nous voilà immédiatement sur un terrain d’affrontement infantile, où les propos échangés de part et d’autre en disent long sur les limites de ce pacte confédéral bâclé. Le peuple canadien cela n’existe absolument pas. À moins de ne nommer ainsi que les anciens canayens, dont les Québécois d’aujourd’hui sont les descendants. Le seul mot de peuple ici écorche bien des oreilles et fait se tordre bien des bouches. Tout comme le mot nation.
Il y a obscurément dans la pensée canadienne, comme une volonté farouche qui n’ose pas se présenter comme telle, qui refuse de reconnaitre des groupes pour ce qu’ils sont. On parle de mosaïque, pas de peuples.
Le citoyen soucieux de comprendre son histoire, qui se penche sur notre document constitutionnel, l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique, est confondu par les trous immenses qu’il contient.
À commencer par le statut des Premières Nations qui y sont traitées en mineures. Comme si leur présence sur ce territoire depuis douze mille ans était affaire négligeable!
Injustice immense qui dure toujours. Les peuples amérindiens au Canada c’est souvent pire que le tiers monde.
Au XIXe Siècle, les intellectuels, politiciens et penseurs de l’époque, disposaient de tous les éléments permettant d’instaurer au Canada une société plus juste, plus égalitaire au sens noble du mot. Une société qui aurait favorisé le développement d’une puissante nation composite exemplaire. Non seulement pour les Canadiens mais pour le monde entier.
S’ils n’ont pu instaurer un modèle neuf, rompant avec les antagonismes du passé, c’est parce que le rapport de force entre les cultures fondatrices du Canada nouveau était déséquilibré en faveur d’un des protagonistes. Ce qui fait qu’au lieu de créer du neuf dans une nouvelle alliance, on a accouché d’un pauvre compromis fait pour désarmer des adversaires. Qui sont ainsi restés quand même des adversaires, et dont les griefs se sont changés en dépits.
Disons pour faire image, qu’on a voulu faire du bon vin, lequel s’est changé en vinaigre. C’est peut-être pas du mauvais vinaigre, mais ça ne vaut pas du bon vin, c’est imbuvable.
On se disait qu’une mauvaise entente valait mieux qu’une rupture. On espérait qu’avec le temps ce bricolage administratif serait amélioré. Nous savons ce qui s’est passé.
Le Canada et le Québec comme des continents, dérivent culturellement l’un de l’autre, à un point tel qu’aujourd’hui, les deux cultures fondatrices s’ignorent mutuellement.
Il n’y a pas cinquante ans, les velléités forcenées du Canada Anglais d’assimiler les Français d’Amérique étaient si implacables, si odieuses, qu’elles allaient jusqu’à nier aux Québécois l’usage de leur langue dans leurs rues. Les avenues des villes et des villages étaient couvertes mur à mur d’enseignes unilingues anglaises, et les emplois les mieux rémunérés, les plus proches des milieux décisionnels, étaient tous aux mains de la minorité anglophone. Il n’est pas inutile de rappeler ce constat qui est en grande partie la raison d’être du mouvement indépendantiste.
D’autant plus qu’il existe encore et toujours des associations revanchardes et malsaines, des mairies de ghettos qui continuent épisodiquement à faire du foin, du tapage, à nous ennuyer avec des droits que personne ne leur conteste, et qu’ils voudraient afficher partout publiquement comme autant de provocations. On a grand tort de leur accorder quelque place que ce soit dans les médias. Ce sont des fossiles, et à ce titre leur place est sur une tablette dans le backstore du musée de la sottise.
Avec les années soixante, la prise de conscience des Québécois va les pousser dans la voie de la prise en charge de soi. C’est ce mouvement de libération, (appelons-le par son nom), qui s’est amplifié jusqu’à permettre au Parti Québécois en 1976 de prendre le pouvoir. Le premier geste de ce gouvernement autonomiste sera de faire du Français la langue officielle du pays. Il aura fallu une loi (Loi 101) pour imposer aux minorités d’ici la réalité qu’elles se refusaient à accepter depuis plus de cent cinquante ans.
Cela en dit long sur les rapports qu’entretiennent depuis la création du Canada ses deux peuples fondateurs.
C’est ainsi depuis ses débuts, qu’on s’en remet à des partis politiques frileux, qui au fil des décennies gèrent au petit bonheur la chance les destins des peuples d’ici. Reconnaissons honnêtement que le Parti Québécois avec ses prises de positions courageuses, est pour beaucoup dans la nouvelle fierté des Québécois.
N’eut été du Québec qui depuis quarante ans fait la politique canadienne, celle-ci aurait été uniquement affairiste. Au fond le mode de vie du Canada tient aux positions courageuses, humanistes et avantgardistes de tiers partis. Comme l’ancien CCF, ancêtre du Nouveau Parti Démocratique entre autres. Il y a eu aussi des Créditistes, et bien évidemment des Indépendantistes, dont les lois en matière de mœurs politiques font maintenant école. Rendons hommage en passant aux écologistes qui depuis cinquante ans contre malveillance et insultes, influencent les grands partis et leur dicte des pans entiers de leur agenda.
Il y a bien de temps en temps une figure plus noble qui émerge de ce panier de crabes, mais pour l’essentiel du programme politique commun tous partis confondus, le crédo en l’avenir en est un de boutiquiers grands et petits, surtout petits.
Quant au présent c’est à bâiller d’ennui. Sauf préci-sément au Québec et au sein des nations indigènes, où se préparent des lendemains étonnants.
C’est à partir d’une dérive politique dénuée de grandeur que les Pères de la Confédération (il n’y a pas de figure féminine dans cette affaire louche) ont accouché d’un document plutôt navrant qui reprenait timidement sans vraiment les améliorer, les quelques progrès que le Siècle des Lumières avait mis en évidence. Son intention s’appuie sur une idée de progrès économique à saveur marchande sans plus. Le texte fondateur du Canada de 1867 est d’abord une affaire de financiers, bien plus préoccupés de chemins de fer que de progrès humains. Ce n’était pas foncièrement mauvais, mais en le relisant de nos jours avec les yeux de l’époque, nous voyons bien que l’ensemble était vieillot au point d’être dépassé dès sa mise en place. C’est un contrat social (si on veut) entre petits potentats, fait pour gérer des existences de serfs, auxquels on faisait l'aumône d'une liberté de façade. Bas de page (2)
Depuis, toutes les tentatives de réformer cette patente se sont terminées en autant de queues de poissons. Cent ans de débats constitutionnels n’ont rien changé aux antagonismes profonds, d’abord culturels, qui divisent les Québécois et les Canadiens.
Ces méfiances séculaires se sont atténuées sous l’effet de la routine, mais ne se sont jamais changées en une volonté réciproque, sincère et authentique, de faire œuvre commune.
On a pu croire et espérer qu’à force de compromis et de justifications économiques le Canada arriverait un jour à comprendre le Québec.
Il fallait reconnaitre dès le départ que la première entreprise d’occupation territoriale venue d’Europe, de France, étant à l’origine du Canada, elle devait être considérée comme une richesse qu’il fallait à tout prix chérir et préserver. Alors que les adversaires d’hier s’unissaient pour fonder un très grand pays. On m’objectera que dans le contexte de l’époque ce n’était guère possible. Je vous réponds ici qu’en effet ce n’était pas possible. C.Q.F.D.[3]
Qu’il fallait la développer cette province du Québec, au point d’en faire la plus riche entité du Canada, histoire oblige. Ce n’est pas ce qui s’est passé.
Bien au contraire, depuis plus de cent ans, selon les critères de développements canadiens, et non pas québécois, il est admis par tous que la deuxième province la plus populeuse du Canada, la seule qui soit française de tous les états nord et sud américains, est cataloguée comme étant une des plus pauvres qui soit en Amérique.
Si ce n’est pas là un épouvantable scandale je me demande bien ce qu’il vous faut ?
Évidemment on peut se tenir tous les discours lénifiants possibles au sujet des critères qui sont utilisés pour ainsi cataloguer le Québec. Même en faisant la part des exagérations, des partis pris et des dépits, il n’en demeure pas moins qu’il y a dans l’ensemble Canadien, donc aussi dans le Québec actuel, des volontés féroces qui tiennent à ce que le Québec n’évolue pas trop.
Qu’il garde ‘’sa’’ place. Qu’il se conduise de façon convenable et ne dérange pas les autres. Mais voilà, c’est là que le bât blesse.
Le Québec ne veut pas être convenable au goût du Canada. Le Québec se sait différent, veut assumer cette différence et ne veut pas être mis à une place qui ne lui convient pas.
Il veut faire sa propre place, non pas dans le Canada puisque ce qu’on lui demande est dévalorisant, mais bel et bien dans le monde moderne actuel. Dans lequel il sait qu’il peut et va faire sa marque. Le corset de bienséance canadien ne lui convient pas.
Le Québec ne peut plus se contenter d’une vision du monde, d’une façon de vivre, dans laquelle il ne se sent pas valorisé.
Je voudrais quant à moi que la moyenne des revenus des Québécois, de quelques trente milles dollars annuel qu’elle est, passe rapidement à quatre vingt ou cent milles. Je rêve en couleurs me dites-vous?…je ne suis pas réaliste?… Précisément c’est mon cas. Le réalisme canadien ne m’intéresse pas, et je veux rêver en couleurs, en relief, et en multiphonie, parce que c’est ça (et pas seulement ça) qui me drive. Je suis un vrai rêveur moi. Pas un tâcheron de l’ennui, un résigné du quotidien. On ne vit qu’une fois.
Ce que le Canada ne comprend pas, et ce n’est pas vraiment notre problème, c’est que le Québec actuel est si différent de ce que le Canada pense de lui, que le fossé d’incompréhension entre les deux entités sociales et politiques est plus profond que jamais. Au point qu’il ne peut avec le temps que se changer en abime.
Puisque parfois on persiste à brandir des épouvantails en cas d’indépendance, il faut dire ici que le véritable danger qui menace le Canada et le Québec, c’est que cette séparation souhaitée actuellement paisible, si elle ne se fait pas rapidement, pourrait bien avec le temps dégénérer en affrontement que personne ne veut.
Ceux qui pensent et répandent des scénarios apocalyptiques suite à notre indépendance, oublient, aveuglés qu’ils sont par leur parti pris méprisant, que la patience d’un peuple a ses limites. On le voit partout sur la planète.
C’est une chance pour le Canada que les Québécois soient si démocrates, si paisibles dans leurs revendications. Il faut absolument que les Canadiens responsables prennent conscience de la nécessité dans laquelle le Québec se trouve de s’affranchir d’une tutelle qui l’étouffe.
De même il est absolument nécessaire que les Québécois frileux, qui refusent de prendre acte d’une évolution susceptible de déranger leur petite quiétude affairée, prennent conscience qu’il est dans leur intérêt le mieux compris de faire face à l’échéance qui s’en vient, et dont ils seront eux aussi des gagnants.
Ce changement c’est bel et bien l’indépendance. Ils en font partie qu’ils le veuillent ou non.
Au cas ou je n’aurais pas suffisamment insisté pour dire que ce que j’écris ici représente mon point de vue, je voudrais ajouter que l’idée que je me fais actuellement de notre accession à l’indépendance n’est pas coulée dans le béton.
C’est une position susceptible d’évoluer, mais pas d’être abandonnée au profit douteux d’améliorations impossibles. D’accommodements humiliants fait de honteux compromis de dernière heure, au sujet des conditions de la présence du Québec dans un Canada renouvelé.
J’ai quelques amis qui pensent que l’amélioration de notre Condition Humaine ne passe pas seulement par une indépendance quelconque.
Assez c'est assez! Finies les simagrées! Plus de cinquante ans de taponnages, de tergiversations, de promesses non tenues, de rendez-vous manqués, m’ont amplement convaincu de l’inutilité de continuer dans une voie qui nous dévalorise tous.
Il importe que le Canada se renouvelle, évolue lui aussi vers un meilleur état, mais j’insiste pour dire que cette affaire-là sera celle des Canadiens, pas celle des Québécois.
Il fut un temps où le Canada demandait (ceux qui prétendaient représenter le Canada) avec l’air de tomber des nues : ‘’ What does Québec want ? ’’ Il n’y a pas de courant ici au Québec qui demande : ‘’Quossé qui veulent les Canadiens ?’’ Franchement on s’en tape.
Au-delà de l’histoire commune aux Canadiens et aux Québécois, l’idée de changement nécessaire va bien plus loin dans mon esprit que les seuls progrès que le Canada et le Québec peuvent atteindre en s’épaulant mutuellement.
Nous devons également travailler à faire en sorte que nos amis Américains des deux Amériques, et nous en avons beaucoup, comprennent eux aussi notre démarche. Et plutôt que de nous en expliquer, il nous faut susciter chez tous les pays progressistes une curiosité qui nous enrichira tous.
Notre affaire à nous c’est le Québec actuel et celui de demain. Il y a fort à parier qu’au lendemain de l’indépendance il y aura aussi des mises au point qui devront être faites entre Québécois. La politique ne va pas s’interrompre à cause de l’indépendance. Nous avons intérêt à ce que le Canada soit un voisin fiable, empressé, qu’il soit un excellent partenaire bon d’accord ! Nous partagerons cet état d’esprit avec tous nos autres partenaires partout ailleurs, afin que chacun puisse y trouver son compte et son contentement.
Notre façon de vouloir vivre ne regarde que nous. Il paraît que l’ami Willy Lamothe aurait dit un jour qu’il préférait passer toute sa vie incompris plutôt que d’en prendre la moitié pour s’expliquer. Bien dit Willy !
Accident historique cocasse, la devise de l’Angleterre (depuis HenriV 1413-1422) est inscrite partout en français, langue parlée depuis Guillaume le Conquérant qui était Normand. Elle se lit comme suit : ‘’Dieu et mon droit! Honni soit qui mal y pense!’’ Ça c’est la fière devise de gens qui se disent qu’il n’ont de comptes à rendre qu’à leur Dieu et à eux-mêmes. Et c’est la langue Française qui en exprime la force.
Je l’affirme ici, nous nous sentirons bien mieux aussitôt que le Québec aura acquis sa pleine souveraineté.
Les supposées périodes d’incertitudes appréhendées qui nous sont régulièrement resservies par des groupes intéressés à nous maintenir dans un statuquo débilitant, favorables à leurs intérêts, sont aussi insignifiantes qu’elles sont imaginaires. Donc, sans fondements réels.
Elles servent à brouiller les consciences, avides de changements devenus nécessaire à notre épanouissement collectif. Elles ne sont rien à coté des incertitudes actuelles, celles-ci bien réelles, que nous vivons quotidiennement.
Je parle de celles qui font chaque jour les manchettes. Ces sempiternelles chicanes de paliers gouvernementaux qui nous abrutissent tous. Qui sont étroitement liées aux conditions actuelles de notre partenariat déficitaire avec le Canada? Le Canada n’est pas une prison, c’est un carcan. Un uniforme mal ajusté qui gêne.
Je ne vois pas en quoi notre accession à la souveraineté pourrait automatiquement, se traduire par des pertes d’acquis humains, plutôt que par des gains. Ceux qui s’aventurent imprudemment dans le maquis de la prospective politique ou économique, feraient bien mieux d’étudier l’histoire, plutôt que de nous servir constamment des ramassis navrants de clichés malsains spéculatifs, qui encombrent depuis trop longtemps le paysage politique québécois.

L’actualité la plus récente fourmille de preuves à l’effet que les analystes de tous poils se fourrent le doigt dans l’œil, sitôt qu’ils s’avisent de prédire une simple croissance économique sur deux ou trois ans.
[4]
À chaque budget, à chaque prévision, ils se trompent. Comment osent-ils venir ensuite nous affirmer avec une impudence qu’il faut fustiger, que notre indépendance se traduira forcément par une catastrophe? Ils n’en savent absolument rien.
Il y a au sein des mouvements autonomistes d’ici les plus convaincus, des voix et pas des moindres, qui pour faire lucides, prétendent que bien évidemment l’accession à l’indépendance va nécessairement passer par une période difficile. C’est un comble de sottise et de niaiserie! Des périodes difficiles nous en vivons chaque jour.
Comment des voix si frileuses, pensent-elles avec de si pauvres arguments, arriver à convaincre les derniers hésitants?
En brandissant le nécessaire esprit de sacrifice qui accompagne les grands changements ?
Non mais de quoi parlent-ils ?
Qu’est-ce que c’est que ces barbotages sémantiques au sujet de lendemains douloureux comme un accouchement difficile? Qui sont ces gens qui viennent ainsi faire du bout des lèvres des prédictions peureuses, qu’ils enveloppent d’une pauvre rhétorique de loosers (en anglais, ce terme de perdants est particulièrement insultant) qui pue les derniers vieux relents de sacristie. C’est tellement bête que c’est insultant pour notre intelligence à tous.
Je suis convaincu que nous avons tout à gagner en devenant indépendant, et le Canada aussi. C’est là la réalité prochaine que nous anticipons. C’est cet état d’esprit qui doit guider notre engagement.
Les dérives alarmantes ne sont que cela. Autant de tentatives d’éradiquer de manière malsaine, le souci légitime des Québécois de se prendre en main. Personne ne trouvera quoi que ce soit de transcendant dans un quelconque statuquo qui, s’il devait être amélioré, serait encore plus affligeant.
Les changements apportés par le vent de notre liberté accrue vont nécessairement, je répète nécessairement, engendrer des prises de consciences nouvelles qui nous seront bénéfiques.
Pas question ici non plus d’affirmer que le processus va être facile.
S’il devait être facile il serait vraisemblablement insignifiant. Pourquoi diable des changements attendus depuis cinquante ans devraient-ils être faciles? Depuis quand la facilité est-elle une notion exaltante ?
Pourquoi et au nom de quelle logique devrions-nous nous contenter d’un changement souhaité par une majorité, qui se traduirait par une dynamique sociale politique et économique mièvre, peu significative?
Nous ne voulons pas changer quat’ trente sous pour une piasse. Nous voulons (et nous allons) prendre la maitrise pleine et entière de nos vies et de nos oignons. C’est-à-dire que nous sommes convaincus, avec les quelques doutes que cela comporte, que les changements voulus vont nous être avantageux, point. À la ligne.
L’indépendance d’une nation n’est pas une niaiserie qui s’articule autour d’un programme convenu d’avance en fonction de petits critères confortables, vaguement rassurants. Et rassurants pour qui?
Ce que je souhaite personnellement pour la suite des évènements, tient au pari gagné d’avance, que cette indépendance va forcément nous apporter beaucoup.
Parce que si ce n’était pas le cas, cette idée chère à tous les êtres fiers, ceux qui font les peuples fiers et les états forts, n’existerait pas.
Pour peu qu’on s’y arrête, l’Indépendance du Québec fait bien plus peur au Rest Of Canada (ROC) qu’elle n’inquiète les Québécois. On sent dans cet acharnement à contrecarrer nos progrès à venir, que c’est le Canada qui n’est pas prêt à cette nécessaire évolution.
Quoi qu’il en soit, là doit s’arrêter notre souci de comprendre ce Canada qui refuse d’évoluer. Ou qui préfère suivre sa propre voie, ce qui est son droit incontestable.
Nous avons notre route à tailler, allons-y.
Depuis quand l’idée d’indépendance serait-elle devenue méprisable, suspecte ?
Depuis qu'elle nous interpelle, nous les Québécois?
En voilà une sottise! La notion d’indépendance serait noble pour tous les peuples sauf nous? Tiens donc!
L’émancipation était pleine de grandeur pour le Canada au XIXe Siècle. Elle l’était pour la France et les États Unis d’Amérique au XVIIIe Siècle, mais elle serait ignoble pour les Québécois au XXIe Siècle ? On se calme!
Cette volonté d’autonomie existe depuis toujours. C’est une constante de l’idée de Liberté. Je trouve inadmissible qu’il y ait encore de nos jours des politiciens, des analystes de bureaux, de pseudo politicologues, de prétendus intellectuels, qui osent venir nous dire que cette idée-là n’est pas pour nous. Qu’elle est nuisible à notre développement, et pourquoi pas carrément malsaine.
Que nous ayons parmi nous des gens qui se prétendent des nôtres, et qui osent tenir un tel discours me remplit de gêne, voire de dégout.
Ce qui m’indispose encore plus c’est qu’ils s’en trouvent pour les appuyer et les porter au pouvoir. Ils sont heureusement de moins en moins nombreux.
Mépriser, ou avoir seulement l’air de mépriser l’idée d’indépendance, celle de souveraineté; traiter avec négligence, la moue aux lèvres la Liberté sous une forme ou une autre, en dit long sur l’intelligence et la sensibilité de telles personnes.
Elles sont parfaitement indignes d’occuper des postes clefs, ou subalternes, au sein de notre société. Il est parfaitement répugnant qu’elles osent briguer les plus hauts postes de notre État.
Le scandale permanent du défilé de ces individus incapables a suffisamment duré. Il est temps de leur montrer la porte. Ils sont les derniers représentants essoufflés, exsangues, de vieux réflexes de colonisés dont nous n’avons que faire. Ce n’est pas la grande idée d’indépendance qui est nuisible à nos intérêts bien compris, oh! que non! C’est bel et bien la présence débilitante de cette cohorte d’impuissants d’un autre âge qui parasitent nos institutions, et fatiguent de leurs discours dégradants nos consciences. Assez c’est assez !
Il n’est nullement besoin d’une révolution pour nous débarrasser de ces nuisances, une élection suffit amplement.
Surtout, que cette volonté d’émancipation qui doit caractériser tous les êtres épris de Liberté, soit inscrite comme article premier de tous les programmes politiques qui prétendent présider aux destinées des Québécois.
C’est valable aussi pour le Parti Libéral du Québec, qui est, ne l’oublions pas, le géniteur de deux partis politiques indépendantistes, le Parti Québécois et l’Action Démocratique du Québec. Un, dit de tendance convaincue, et l’autre de tendance molle.
Un troisième parti, qui a également inscrit l’Indépendance à son programme, celui du Québec Solidaire, en est encore à faire ses preuves.
Bien que son influence soit peu significative elle est grandissante, et tente d’occuper le champ du mécontentement généralisé. Et on l’espère aussi celui des attentes trop longtemps frustrées.
L’ADQ et le Parti Québécois forment une majorité absolue ou presque. D’autant plus que leurs membres sont souvent les mêmes. L’indépendance doit être au-dessus de tous les programmes politiques. Qu’attendent donc les dirigeants actuels pour fondre l’ADQ avec le PQ, quitte à changer les noms des deux partis en un autre plus rassembleur ? Après tout Pierre Bourgault et Gilles Grégoire, qui n’étaient pas vraiment des amis de René Lévesque, ont eu ce courage. Les programmes du PQ et de l’ADQ se ressemblent par bien des points. S’ils ne veulent absolument pas se regrouper ensemble, qu’ils s’allient au moins le temps d’une élection, et qu’ils la fassent cette indépendance qui doit d’abord être celle des Québécois. Il sera toujours temps ensuite de se disputer pour des virgules ou des points sur les I.
Ils font le jeu de leurs adversaires à cause de paragraphes et d’articles de programmes que personne (hormis les membres de ces partis) ne lit.
Nos amis de Québec Solidaire peuvent-ils comprendre cela ?
Pourquoi se servir de l’option indépendantiste pour exercer un chantage à la boite au scrutin, et éparpiller les forces vives du Québec? Sont masos ou quoi? Si on y regarde de près, il est évident qu’un programme politique généreux ne peut trouver son aboutissement que s’il est manifeste au sein d’une société désaliénée.
Le programme politique le plus généreux qui soit demeurera toujours impuissant, lancinant, s’il doit constamment quêter des approbations à des pouvoirs extérieurs. C’est tellement évident qu’on s’étonne de devoir seulement le rappeler.

Julien Maréchal

À suivre au Chapitre Troisième
***



[1] Je ne nomme personne, vous les connaissez, ils se connaissent.
[2]C’est très exactement ce que Maurice Duplessis pensait des Québécois dans les années 1950.
[3] C.Q.F.D. Ce Qu’il Fallait Démontrer : expression tirée du monde des mathématiques qui dit qu’une démonstration devient évidente une fois prouvée.
[4] S’ils étaient le moindrement sérieux, au lieu de faire des incantations, ils planifieraient cette croissance et atteindraient leurs objectifs rationnellement. Mais cela n’est pas possible. Ce n’est pas moi qui le dit, mais eux mêmes. D’où leur vient alors leur assurance? J’sais pas!

lundi 18 février 2008

Québec Troisième Round (1)

JULIEN MARÉCHAL
Québec
18 février 2008

Troisième Round (1)

Voir la suite (2) au 1er avril 2008,
et (3) au 8 mai 2008,

L’Indépendance pour les 15/35
Pour les nuls…et les autres
Essai


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Tous droits réservés :
Julien Maréchal et l’éditeur A.M.C.H. RALLYE 2000, Québec Inc. (1998)
Dépôt Légal : date 2007 (3e trimestre)
Bibliothèque Nationale du Québec
ISBN 02-92231404-9
Les Éditions de l’ A.M.C.H. RALLYE 2000, Québec

La Liberté, l’Indépendance, la Souveraineté
d’une Nation, d’un Pays, d’un État et de ses
citoyens, ne sont pas des choses ennuyeuses.
Elles sont exaltantes et amusantes.

Chapitre Premier
Québec 101
C’est ben d’ valeur!
Un cinéaste de chez nous a qualifié le Québec ''de pays sans bon sens'' (voir le film de l’O.N.F. de Pierre Perrault en 1970) ce qui est d’une justesse profonde. Le Québec, province du Canada en plein XXIe Siècle, c’est une survivance d’un passé qui s’attarde. S’il y a un endroit dans le Monde qui possède tous les attributs d’un peuple, d’une nation, d’un pays moderne, c’est bien ici.
Le lecteur comprendra ici qu’une lecture critique du texte qui lui est ici proposé ne peut que favoriser une prise de conscience de sa part. Celui-ci trouvera dans ces pages de quoi le faire réfléchir.
Vous cherchez des slogans pour vous engager? Vous avez besoin de raccourcis simples pour comprendre les enjeux qui vous interpellent? Vous êtes de ceux qui veulent qu’on leur explique l’Univers en deux mots?
Vous ne trouverez pas dans ces pages de quoi satisfaire votre raison si simpliste. Mais de grâce, avant de vilipender un auteur qui s’efforce de communiquer avec ses semblables, demandez-vous si vous êtes capable d’en faire autant, et surtout, oui surtout…faites-le. Qui sait? Peut-être ferez-vous mieux ?
Je vais tout de suite être clair et affirmer que je suis pour l’Indépendance du Québec. Je suis pour toute émancipation, liberté ou souveraineté, partout où ces notions éminemment humaines au sens noble du terme peuvent éclore. Ceci est valable non seulement pour les peuples et les nations, mais plus encore pour les individus.
Encore mieux, je vous affirme ici qu’au point où nous en sommes nous les Québécois, cette indépendance n’est plus à revendiquer, encore moins à expliquer sauf à nous-mêmes. L’Indépendance du Québec est une affaire québécoise pas canadienne. Pourquoi? Parce que les Canadiens sont contre et que pour eux c’est comme ça et c’est tout. Il n’y a pas de mouvement canadien favorable connu, à notre indépendance. On trouve ici et là des individus qui en acceptent le principe, mais leurs voix ne comptent pas.
Comme si nous avions des comptes à rendre à qui que ce soit, des permissions à demander, à justifier notre position et quoi encore? En fait, le droit, et plus encore le besoin, la volonté du Québec et de ses citoyens d’accéder à l’indépendance (qu’on peut tout aussi bien appeler la souveraineté, la liberté) n’est plus à démontrer. C’est maintenant bien plus qu’un besoin, un droit, c’est devenu une nécessité.
D’autant plus que quand on a des droits, on ne les revendique pas, on les exerce. C’est ça la liberté.
Il reste à faire cette indépendance. Donc à convaincre une majorité de Québécois de voter démocratiquement pour cette option politique, sociale, et économique. Nous savons que c’est l’aspect culturel qui détermine le social, le politique et l’économique. Pourquoi? Parce que des notions sociales, politiques, et économiques, sont d’abord de la culture.
Il n’y a plus personne de bien élevé de nos jours, qui puisse contester la légitimité absolue de l’option indépendantiste au pays du Québec. On peut être pour ou contre, on ne peut pas s’y opposer sous prétexte que ça n’aurait pas de sens, que ce serait monstrueux, contre nature, je ne sais quoi. Les arguments pour ou contre ont pris depuis trente ans un caractère résolument économique, qui délimite les champs politiques et socioéconomiques.
On peut s’en affliger, le déplorer, être d'avis que l’autonomie d’une nation, est bien plus qu’une simple (d’autres diraient vulgaire) affaire de commerce ou de niveau de vie. Il y a dans cette considération des opinions variées qui doivent être coordonnées ensemble, si nous voulons arriver quelque part.
Ce quelque part-là, c’est l’Indépendance du Québec. En somme il y a d’innombrables raisons d’être pour, et l’une n’empêche pas l’autre. On peut se chamailler sur les conséquences d’une telle démarche, on ne peut pas s’y opposer simplement parce que le mot nous déplait, que ça ne fait pas notre affaire du point de vue sous et gros sous. L’argent n’est pas une grossièreté on va donc en parler. L’idée exaltante de Liberté qui doit précéder la démarche économique et qui la transcende, est incontournable.
Comprenons-nous bien ici, on peut certainement faire de la liberté avec des bilans d’argent, même si ce n’est pas tout. D’ailleurs la question économique ‘’financière’’, inséparable de celle d’indépendance, définit celle de souveraineté. Vous pouvez avoir toute la liberté possible, si vous n’avez pas les moyens d’en jouir, vous demeurez impuissant.
Cette liberté est dans l’histoire générale de tous les peuples devenus souverains depuis la chute de l’Empire Romain. Pour ne pas affoler ceux qui craindraient ici que je ne leur fasse une épouvantable leçon d’histoire, disons que pour l’essentiel je m’en tiendrai aux références historiques les plus convenues, lorsque j’aurai besoin d’appuyer tel ou tel dire. S’il le faut je puiserai selon mon bon plaisir partout dans l’histoire, mais je ne vais pas surcharger ma démonstration. Quoi qu’il en soit, je mets en annexe un choix de lectures pour quiconque voudra approfondir ses connaissances sur le sujet.
Ce qui nous intéresse avant tout c’est l’actualité, prise dans son acception d’époque. Un climat général qu’on puisse définir comme l’air du temps, ce qui s’en vient, ce qui se prépare, ce qui est souhaitable pour nous tous, dans un avenir immédiat.
J’ai donc conçu ce livre avec l’esprit de l’homme de la rue que je suis. C’est le propos de Monsieur et Madame Toulemonde. J’ai donc volontairement mis de coté les longues thèses élaborées dans un parti pris universitaire, qui indisposeraient le lecteur. Surtout celui qui n’a pas de formation universitaire et qui s’en passe fort bien.
Maintenant je voudrais ajouter ici que je suis parfaitement capable de vous pondre des centaines de pages sur la plupart des considérations qui sont énumérées dans ce livre. Si je ne le fais pas c’est bien parce que je pense que la plupart d’entre vous, êtes parfaitement capable d’en faire autant.
Si vous ne le faites pas c’est simplement parce que ce n’est pas nécessaire. Vous avez à l’intérieur de vous tout un ensemble de connaissances qui émergent parfois sous l’effet de l’actualité, et vous ne ressentez pas le besoin de vous expliquer constamment sur vos prises de positions. Il y a en effet en chacun de nous, une forme de détermination, de prise de conscience, qui échappe à l’analyse.
On ressent des choses, on a son quant à soi, ses opinions, et finalement on vote en fonction de ses valeurs. C’est ainsi que j’ai voulu que ce livre soit perçu. Nos hésitations, nos approximations et nos certitudes sont limitées, marquées d’un parti pris volontaire de ne pas tout dire, qui vient du fait que la plupart d’entre nous ne sommes pas des spécialistes. Cependant nous sommes des citoyens, et que l’on soit parfaitement ou moyennement ou pas vraiment au courant des enjeux sur lesquels nous sommes appelés à voter, nous avons le droit de voter, et nous votons en tant que citoyens. Pas en tant que spécialistes.
Regardons avec une saine appréhension l’horizon probable de la prochaine génération, soit une vingtaine ou une trentaine d’années. Prétendre faire de la prospective au-delà d’une telle limite m’apparait hautement acrobatique. Déjà vingt ou trente ans, c’est une fichue gageure.
Contrairement à ce que de bonnes âmes pourraient affirmer, nous ne voulons pas faire l’indépendance d’abord pour nos enfants, nous voulons la faire pour nous qui sommes vivants actuellement.
Personnellement, je ne crains pas d’affirmer ici sans crainte de me tromper qu’une fois mort, l’indépendance du Québec, du Vermont, ou de la République des derniers humains, vous pensez si je vais m’en ficher complètement. Étant vivant, j’ai des préoccupations de vivant et je m’adresse aux vivants.
Nos descendants recueilleront cet héritage et en feront ce qu’ils voudront. Cela étant dit, s’il y en a parmi vous qui voulez faire l’Indépendance du Québec d’abord et avant tout pour vos enfants, ce n’est pas moi qui vais vous le reprocher.
Je pense simplement que les problèmes actuels doivent être abordés avec un esprit actuel. Les biens pensants, soucieux de faire vibrer des cordes sensibles, utilisent très souvent les arguments larmoyants des enfants à venir et des générations futures, pour repousser en avant des prises de décisions qui s’imposent maintenant. Je suis comme vous tous, membre de cette génération d’anciens enfants à qui on avait promis un avenir brillant, meilleur. Constatation faite cinquante ans plus tard, les problèmes s’accumulent, ceux d’hier se sont aggravés au point de mettre la planète en danger, et on se fait proposer en guise de politique éclairée, de travailler maintenant au profit d’un avenir douteux. Mettons que ça va faire les platitudes.
Mais bon, hein! Je vous dis ce que j’en pense et vous faites comme vous voulez. Du moment que l’indépendance se fait, il y a place pour un vaste éventail de raisons et de moyens. Vive la diversité !
Ce livre s’adresse avant tout à ces hésitants, qui pensent que oui peut-être…non je ne sais pas…que faire ? C’est compliqué ! Pourquoi changer ?
Il interpelle ceux et celles qui ne demandent qu’à être convaincus. Qui sont plus ou moins à l’aise dans le confort convenu du statut quo, vêture gênante aux entournures dont ils ont appris à s’accommoder, et dans laquelle ils se sentent coincés tout de même.
L’Indépendance du Québec n’est pas une aventure risquée[1]. Elle s’inscrit dans la logique incontournable de ce qui est appelé à évoluer. Ici au Québec comme partout ailleurs.
Quant aux prétendus risques que nous prenons en optant pour cette indépendance, ils ne font pas le poids, face à ceux qui s’accumulent dans notre hangar de rêves et d’espoirs déçus. Avec une pareille approche, même les aventuriers, les impatients de tous les lendemains, y trouveront leur compte.
Cela dit, il faut et on doit faire la démonstration de sa valeur, puisqu’il reste des gens à convaincre. S’il faut expliquer, alors expliquons. S’il faut rassurer, alors rassurons. Je vous le répète ici, un pays du Québec ne se justifie pas. Il doit s’imposer comme allant de soi, comme étant dans la mouvance d’une normalité attendue qui n’a que trop tardé à se manifester. Tout le monde ainsi convaincu s’en portera mieux, et la transition vers cette liberté élargie en sera d’autant plus facilitée, et sera encore plus enthousiasmant.
Or, comment se fait-il que cet endroit qui est politiquement mature, économiquement viable au point qu’il devrait être dans le peloton de tête des pays les plus avancés, traine ainsi la patte aux palmarès économiques? Soit englué dans des polémiques complètement dépassées depuis plus de cinquante ans? Alors que beaucoup de pays, et pas seulement ceux du tiers monde (pourtant moins bien armés que le Québec), ont réussi à se libérer des jougs coloniaux qui les enserraient dans des corsets culturels étrangers. Dont ils n’ont pu se défaire qu’après des guerres sanglantes.
Au Québec, il nous suffit de voter pour notre indépendance et personne ne nous fera la guerre pour une pareille décision, attendue par la plupart de nos partenaires culturels et économiques. Et pour laquelle dans le monde civilisé, on s’étonne qu’elle ne soit pas encore faite. Qu’est-ce qu’ils attendent donc ces branleux de Québécois?
Deux référendums à demi ratés, donc à moitié réussis, lourds de significations révélatrices, ont marqué les 26 dernières années. Malgré quoi on se demande encore avec anxiété si la prochaine fois cela va passer ou pas ?
Torchons tout de suite une objection qui revient parfois au sujet de notre liberté. Il parait que le Québec dans le Canada est libre. Que le Canada n’est pas un bagne. Que nous y sommes traités respectueusement. Mieux que ne sont traités ailleurs d’autres groupes d’humains. Outre que l’argument est spécieux (mot pour ceux qui l’ignorerait qui veut dire ambigüe au sens négatif du terme) il convient de signaler que nous y sommes pour beaucoup.
Notre liberté dans le Canada n’est pas une faveur qu’on nous fait. Cette liberté toute relative qu’elle soit, nous l’avons gagné plus souvent qu’autrement de haute lutte. Ce n’est pas un quelconque privilège qu’il nous faudrait continuellement mériter. Ce n’est pas une raison non plus pour s’en contenter. J’ai l’outrecuidance de penser que de la liberté, nous n’en avons jamais assez. Je vais même plus loin, jusqu’à affirmer que s’il y a en effet de la liberté dans le Canada, c’est bien parce que nous en sommes les partisans les plus émérites.
Un Québec Indépendant sera donc plus libre encore qu’un Québec dans le Canada. Pour ce qui est de la liberté canadienne, je la laisse aux Canadiens. Moi ce qu’il me faut, c’est une liberté québécoise.
Les canadiens n’ont jamais voulus, et ce d’une manière majoritairement écrasante reconnaitre la nation, le peuple Québécois[2].
Au fond les partis politiques le voudraient bien, mais leurs bases, essentiellement anglophones, sont contre. Et ma foi je ne peux pas les blâmer. Mis à part pour un courant éclairé représenté par des minorités avant-gardistes, un Québec dans le Canada, reconnu comme peuple, ou comme nation, c’est une sorte de désaveu du Canada. Cependant je veux insister ici, et dire à tous ceux et celles qui souhaitent que tous les Canadiens nous reconnaissent pour ce que nous sommes, qu’une pareille demande est quelque peu gênante, pour ne pas dire humiliante.
Pourquoi vouloir absolument être reconnu comme peuple ou comme nation, par des gens qui nous refusent cette distinction ? Faut être masochiste pour vouloir une telle chose. Pourquoi ne pas aller demander aux Bretons, aux Papous, aux Celtes, aux Basques, aux Catalans, aux Parisiens, ou aux Chinois de nous reconnaitre tant qu’à faire ?
Céty assez bête ça comme démarche de miséreux? S’ils proposaient eux-mêmes cette démarche par courtoisie élémentaire, on pourrait les en féliciter, mais en mendier le principe, franchement, cela m’indispose. De toute façon c’est sans grande importance. C’est une démarche qui s’inscrit dans un cadre beaucoup plus vaste de réclamations politiques, qui n’aboutiront qu’avec l’indépendance du Québec. La première reconnaissance des Québécois comme peuple et comme nation doit venir d’eux-mêmes.
Si les Québécois sont incapables de se donner un pays qui ait comme raison d’être de favoriser leur identité à la fois comme peuple et comme nation, je vois mal comment on pourrait alors continuellement insister pour que ce soient les autres qui nous accordent ces distinctions, si essentielles à notre identité. Dans une affaire aussi porteuse de qualités identitaires, la barre de la cohérence doit être très élevée.
En plus de ça, aller demander une telle chose à des albertains, des ontariens, des manitobains ou des colombiens britanniques! Incroyable!
Est-ce que cela existe un peuple Ontarien, Albertain ou Manitobain? Ces gens-là ont en horreur l’idée même de peuple. Ils vivent dans un Canada où cette notion est quasiment une injure. Ils la reconnaissent du bout des lèvres pour les acadiens et les autochtones, qu’ils méprisent ouvertement, à moins que ces ‘’peuples’’ ne se présentent comme tels que fortement folklorisés. Un peu comme aux États Unis où les nations indiennes et les descendants des français de la Louisiane, sont reconnus d’utilité publique, parfaitement localisée, dans la mesure où ils sont pittoresques. Nullement parce que ce sont de vrais peuples ayant de vrais droits qui représentent du capital culturel précieux. Ils sont au contraire tous plus ou moins déconsidérés comme des survivances d’époques révolues.
Dans l’esprit des intellectuels canadiens anglais, je parle de ceux qui parviennent à imposer leur point de vue, le peuple est une notion vaguement péjorative ayant un sens archaïque. Les ‘’vrais’’ kanadians (en anglais) veulent se considérer comme les premiers humains à ne pas se réclamer d’appartenir à une de ces vieilles peuplades qui sont choses du passé.
Les canadiens anglophones bien intentionnés sont des utopistes qui s’ignorent.
Ils veulent vivre dans un univers aseptisé et insipide, incolore et inodore, où l’idée d’humanisme doit être dépouillée de tout ce qui en fait la saveur et la spécificité. Ils rêvent d’un monde mécanique, acculturé, fondé sur la négation d’identité. Ils veulent effacer les cultures afin de vivre dans un milieu désincarné, qui ressemble à s’y méprendre au Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley.
Paradoxalement ils ont toujours à la bouche la nationalité de leurs ancêtres (Irlandais, Ukrainiens, Allemands, Polonais, Sikhs, Chinois (etc. etc.). Bref le Canada oui, mais un Canada dans lequel ils sont Canadiens du moment que ça ne veut rien dire. Une identité neutre et drabe qui témoigne de leur passé ancestral sans plus.
C’est platte à mourir. C’est vide et nul. Pourtant ils sont très souvent aliénés par des réflexes conservateurs, qui puent les vieux concepts religieux plus anciens encore. Cent fois plus archaïques que la notion moderne de nation, comme les Québécois la conçoivent. C’est nous seuls qui pouvons et devons décider de notre identité planétaire.
Quêter à d’autres la reconnaissance de ce que l’on est c’est se mépriser. Il y a des gens, d’une naïveté pathétique, qui voudraient que l’on rassemble toutes les énergies afin de construire ce beau et grand Canada qui ferait l’admiration de tous. Dans lequel nous les Québécois serions comme au paradis. Mais qu’est-ce que ces gens-là pensent que les générations précédentes ont tenté de faire?
Nous sommes si tant tellement loin du compte, que lorsque le Canada sera ce beau et grand pays que tous ces grands naïfs appellent et espèrent de tous leurs vœux, le peuple Québécois lui n’existera plus, et les poules auront des dents. Cette vision idyllique canadienne, outre qu’elle est une niaiserie qui ne tient pas compte des réalités, ne pourrait se réaliser sans que d’abord tous ses citoyens acceptent (comme par enchantement) de renoncer à leurs distinctions particulières, pour enfin se fondre harmonieusement dans un quelque chose d’ineffable, ayant un semblant de caractère universel indéfinissable, indescriptible autrement qu’en termes angéliques. L’universel c’est l’alibi des gens qui ne sont rien et qui voudraient être tout. C’est insupportable d’insignifiance.
***
Je reprends. Les commentateurs de l’actualité ont une lourde responsabilité dans ces échecs référendaires qui n’en sont pas. Bien au contraire chaque élection, chaque référendum, a fait progresser le projet d’indépendance. Le Québec est déjà virtuellement indépendant depuis le mois de novembre 1976, alors que le Parti Québécois prenait le pouvoir. Après 113 ans dans la confédération canadienne, après 217 ans de colonialisme anglais, le ‘’Canada Français’’ (donc le Québec de mes parents) prenait conscience de sa singularité, et se votait un gouvernement majoritaire indépendantiste. Dont l’article premier était la souveraineté du Québec. Je ne vous parle pas d’une quelconque patente à gosses d’il y a deux ou trois cents ans. Je parle d’évènements qui sont d’une brulante actualité, et qui s’élaborent fièrement depuis un demi siècle. Qu’est-ce que c’est cinquante ans dans le développement d’un pays ?
Comment ose-t-on commenter le débat sur le statut politique du Québec comme étant une affaire du passé qui piétine dans le présent ? Passé qui, que, quoi ?
Le Canada c’est quand même pas la fin du monde, ni le ''boutte du boutte'' coudons !
Nous sommes en 2007, et cette indépendance n’est pas encore inscrite dans les documents officiels. Plus extraordinaire encore, depuis le référendum de 1980, tous les gouvernements du Québec, (y compris ceux qui sont fédéralistes) ont refusé de signer le nouveau pacte confédéral suite au rapatriement de la constitution canadienne (loi anglaise votée par le parlement Britannique).
Le Québec ne fait plus partie de façon volontaire du Canada, et pourtant nous sommes toujours dans le Canada. C’est quoi le problème ?
Cela tient d’abord à ce que nous y soyons minoritaires. S’il avait fallu que les deux référendums de 1980, et de 1995, eussent été tenus seulement par les descendants directs d’un des deux peuples fondateurs (Français), nul doute que nous serions indépendants.
Une telle approche n’était pas souhaitable, les Québécois l’ont compris dès le départ.
Nous aurions été taxé d’ethnocentrisme, alors que depuis cinquante ans que nous agissons avec un esprit démocratique exemplaire, on se fait quand même traiter de racistes. Font chier à la fin!
Le Québec d’aujourd’hui à partir des apports extérieurs depuis plus de 100 ans, n’a plus la forme française essentiellement rurale, qu’il avait à ses débuts.[3] Il faut donc que notre émancipation politique soit le fait d'une majorité républicaine civile, et non pas ethnique. Il faut que notre indépendance passe du domaine de l’émotion, à celui de la raison légale. En somme de faire d’une option légitime, une réalité légale. Nous y sommes presque.
Je vais vous amuser ici en vous en racontant une bien bonne.
Vous avez peut-être remarqué que pour beaucoup d’entre nous, la notion de légalité est embrouillée. D’abord il faut dire que pour ce qui est du Droit, inscrit dans des lois, la plupart des gens n’y connaissent à peu près rien. On croît (sans vraiment s’arrêter à y penser, dans de nombreuses sphères sociales, peu importe le degré d’éducation) que les actes que nous pouvons poser doivent d’abord avoir un caractère légal. On pense souvent à tort, qu’une action qui n’est pas soumise à une législation quelconque, est entachée d’illégalité.
Elle est donc présumée interdite.
J’ai entendu ça mille fois.
‘’Si ce n’est pas légal c’est illégal, voire criminel, interdit d’une façon ou d’une autre, point ! ‘’
Question de degré bien évidemment mais qu’importe, c’est cet esprit-là, très répandu, qui s’exprime trop souvent dans les controverses.
Dans les faits, rien n’est plus faux.
Le gros de l’activité humaine ne tombe pas sous la férule des lois. Tout le domaine créatif, celui de la spontanéité, en est exclu. Vous pouvez légitimement vous livrer à toutes les activités que vous voulez (légales ou pas) du moment que vous ne commettez pas de crimes. Du moment où vous ne faites de tort à personne.
Une activité est soumise aux lois lorsque le législateur intervient sous la poussée de la nécessité pour l’encadrer, la règlementer, au motif de l’Ordre Public. En dehors de ça tout est permis.
Or ici, beaucoup de gens m’ont dit et répété qu’un geste, un acte, qui n’est pas inscrit dans une loi quelconque, est au départ interdit, entaché d’illégalité. Ce qui lui confère une odeur de souffre, ayant un caractère dissuasif. Ce qui n’a pas de bon sens. Une pareille approche de la vie sociale est une négation de la liberté. Cela revient à obliger les gens (et à s’obliger soi-même) à ne vivre que selon des règles approuvées par le législateur.
En dehors des lois, pas de salut! C’est une vision infantile de la vie en société, et c’est un épouvantable frein à toute créativité, à tout progrès. Réfléchissez à cela.
Il faut comprendre ici que la plupart des gens sont au départ intimidés par la notion de droit. La loi, parce qu’elle est la loi, impose une sorte de sourde tyrannie, toujours imprécise, qui exige d’être démystifiée avant de pouvoir être apprivoisée. Le problème étant que l’idéal des lois n’est jamais enseigné dans les écoles dès la petite enfance. Nous sommes tous contraints de nous y référer par la nécessité lorsque nous devenons adultes. Nous avons alors affaire à un principe, qui au lieu d’être bienveillant est arrogant, et se trouve entre les mains de ceux et celles qui sont familiers avec le concept du légal. Cela revient à dire que pour l’essentiel, les citoyens sont immatures, face aux lois. Ce sont des enfants qui réagissent comme des enfants devant n’importe quelle autorité. Ou bien ils s’en méfient parce qu’ils la craignent, ou bien ils la déconsidèrent comme valeur négligeable parce qu’ils la méprise pour cause d’ignorance.
Cette façon de voir est typique de beaucoup de gens d’ici. Bien qu’on retrouve ce trait chez beaucoup de citoyens d’autres pays, c’est un élément du caractère hésitant de trop de Québécois, longtemps aliénés par l’Église Catholique. C’est maintenant du passé, mais il en subsiste encore des réflexes, conditionnés par des siècles de domination psychique. Nous avons gardé dans la vie de tous les jours, des tics de cathos.
Il est très facile de s’en débarrasser, il faut simplement en prendre conscience. Et le vouloir bien entendu. Cependant il convient d’ajouter que cette façon de voir les choses et de vivre ainsi son existence fait l’affaire des pusillanimes, qui y voient un prétexte à ne pas s’engager dans une démarche de dépassement de soi.
Il y a encore un pourcentage significatif (plus ou moins 30% ?) d’entre nous qui ne savent pas qu’ils sont Québécois. Ils trainent avec eux comme dans les farces d’Elvis Gratton de Falardeau, plusieurs identités parmi lesquelles ils n’arrivent pas à choisir la bonne.
La bonne identité c’est la plus pratique, pas nécessairement logique. L’identité d’un individu lorsqu’elle dépasse sa petite personne, lorsqu’elle devient un signe d’appartenance à un peuple, ne relève pas immédiatement de la psyché personnelle. Elle procède d’un sentiment extérieur, le nationalisme. Ce n’est pas un sentiment logique, c’est émotionnel, magique, irrationnel. Vous pouvez avoir deux ou quatre identités qui tiennent aux accidents politiques, aux multiples expériences qui jalonnent votre existence, il y en a une qui vous tient le cœur chaud. C’est celle-là qu’on appelle nationalité.
C’est un choix que chacun de nous doit faire, et pour curieux que cela puisse paraitre, cela n’exclue absolument pas que vous conserviez également toutes les identités qui l’auront précédé, et qui aboutissent en somme à cette dernière.
Prenez un Français par exemple, un Anglais, un Américain ou un Néo-Zélandais. Ce sont les descendants de vieilles nations qui se sont fait la guerre pendant des siècles, avant d’arriver à se forger collectivement une identité élargie. Il y a du Gaulois, de l’Occitan, du Savoyard, du Breton, du Franc, du Picard, du Poitevin, du Normand, du Parisien chez les Français, (dedans les Français pour ainsi dire). On y trouve également d’innombrables individus qui sont originaires d’Afrique et de toutes les parties du monde.
Tous ces citoyens de la République Française sont également Européens, avec tout ce que cela implique de contradictions.
Il en va de même avec les Anglais ou les Américains. Ils sont également Celtes, Saxons, Gallois, Navajos, Sioux. Leurs ascendants viennent des vieux pays européens, d’Indes, de Chine, d’Afrique, d’Océanie, de partout sur la planète. Ainsi les Anglais sont anglais, les Américains sont américains, et les Français sont français.
Ils portent en eux un assemblage contradictoire de valeurs culturelles, qui sont directement branchées sur tous les passés. Dépendant de leur humeur du moment, ils se réclament de leurs anciennes origines ou des plus récentes. D’une manière acceptée par tous, ils sont français n’en doutez pas, anglais c’est incontournable, américains cela ne se discute pas. Dans cent ans ils seront tous européens ou mondialistes que sais-je ?
Ils le sont déjà, s’y préparent, ont scellés dans des accords pacifiques (et plus souvent encore dans le sang d’innombrables victimes) ce nouveau statut rassembleur qui gêne comme un costume neuf. Ils vont s’y faire. Ce nouvel habit culturel va s’assouplir, deviendra au fil des décennies un emblème, un motif supplémentaire de fierté identitaire. Dans cinq cents ou mille ans si vous voulez, nos descendants porteront tous l’habit d’humain, de terrien, et garderont aussi les signes distinctifs de leurs appartenances d’origines. Cela sera, bien entendu, si nous n’avons pas fait péter la planète d’ici là.
Le petit problème des Québécois hésitants, c’est qu’ils n’ont pas encore saisi que pour accéder à une nouvelle identité plus élargie que la précédente, il leur faut d’abord assumer celle qu’ils ont. En ce qui concerne l’identité canadienne, (forgée ici au Québec d’abord ne l’oublions pas, sur plus de quatre siècles) la plupart des Québécois l’ont parfaitement intégrée. Sauf pour cette frange inquiète, traditionaliste.
Les Québécois sont probablement les seuls vrais Canadiens existant sur le globe, dont l’identité ne relève pas seulement d’une reconnaissance administrative. Dans le cheminement identitaire des peuples, la dernière version englobe les précédentes, et les incorpore en les transcendant. Ainsi l’identité québécoise contient ‘’naturellement’’ une part de l’identité canadienne, alors que l’inverse relève d’un réflexe défensif de protestation. Cela veut dire qu’un Québécois qui s’affirme comme Québécois sait parfaitement qu’il a été Canadien et qu’il en conserve des traits marquants. Il est devenu Québécois par sentiment d’appartenance, par identification culturel-le, la seule qui soit significative lorsque l’on parle de peuple.
Mais le Canadien qui se dit parfois Québécois, le fait par protestation. Et pour l’essentiel ce sont ceux qui habitent le territoire du Québec et qui s’identifient prioritairement au Canada. Ils veulent revendiquer eux aussi leur qualité de Québécois, mais c’est pour occuper un terrain politique qui les exaspère plus qu’il ne les inspire. Ce n’est pas pour eux un motif d’identification fière, mais plutôt une revendication administrative du genre : ‘’Moi aussi j’habite ici. ‘’
Il faut insister ici au risque de se répéter, que le terme Québécois est une modernisation du terme ‘’canayen’’ comme on disait autrefois. Comme l’identité française transcende celle de gauloise (de la Gaule). Ou bien celle de l’identité anglaise qui contient celle de galloise (du pays de Galle). Cette identité québécoise s’est construite à partir d’un ensemble de valeurs choisies, qui lui confère une véritable originalité. Je veux dire ici qu’il y a beaucoup de citoyens dont le statut de Canadien tient plus à leurs papiers officiels, qu’à un attachement viscéral, terre à terre, comme c’est le cas pour les Québécois
Le Québec étant le berceau de la nation canadienne, il n’est pas étonnant qu’il y en ait parmi nous qui refusent d’abandonner cette identité pour la remplacer par une identité québécoise. C’est tout à fait compréhensible. Est-ce donc si déchirant que cela?
Ce n’est là qu’un aspect mineur identitaire. C’est un faux problème. Personne ne demande vraiment aux Québécois d’abdiquer leur prime identité canadienne. Pas plus qu'on ne demande aux Portugais de renoncer à être des Portugais parce qu'ils sont devenus des Canadiens, du moment qu’ils ont choisi d’immigrer ici. Ou que le Portugal est entré dans l’Europe. Vous me suivez?
De même que chaque individu a plusieurs noms pour le distinguer des autres, les peuples ont également plusieurs noms rattachés à leur passé, qui leur font chacun une personnalité particulière.
Le problème de ces citoyens inquiets de leur identité, tient aussi au fait que le Canada est un ensemble géographique beaucoup plus vaste que la plupart des pays de la planète. Au fond ces Canadiens sont également incertains de leur identité canadienne. Le souci presque névrotique que beaucoup d’entre eux ont de toujours vouloir s’affirmer comme Canadiens, indique à quel point cette identité est fragile, et repose bien plus sur des documents officiels, que sur un sentiment d’attachement territorial.
C’est un étrange réflexe que celui-là.
Compréhensible chez de nouveaux arrivant, mais incongru chez des gens qui font parti du paysage depuis des générations.
Ce souci de clamer son identité canadienne comme s’il existait une volonté malveillante de la détruire, n’existe pas chez les Amérindiens, ni chez les Acadiens ni chez les Québécois. Combien de fois n’a-t-on pas accusé les indépendantistes Québécois de vouloir détruire le Canada?
Il s’agit là de rhétorique malsaine, là où les Québécois veulent s’aménager un pays à eux, en le séparant bien sur du Canada, mais où il n’existe aucune volonté politique ou autre de détruire le Canada. Mais lorsqu’on utilise un argument aussi malsain et agressif, le but recherché n’est pas de sauver un Canada (qui de toute façon n’est pas en danger) mais bel et bien de discréditer un mouvement d’émancipation légitime qui se manifeste en son sein. Après des décennies de tentatives répétées d’assimiler un peuple qui refuse de disparaître.
De plus, le Canada est à toute fin pratique, inhabité. Le sentiment d’appartenance à son immense territoire y est vague, comme dilué. C’est beaucoup plus dans l’esprit des gens une image, une carte géographique rose, un très grand lieu physique, qu’excepté les adeptes sectateurs des lointains horizons, l’écrasante majorité des citoyens en ignore tout ou presque.
Comme on ignore les manies et préférences culturelles qui distinguent les voisins les uns des autres. Parlez-moi donc de voisins qui habitent à cent lieues de chez vous hein? On parle ici de frontières quasiment incommensurables, mesurées à l’aune d’une communauté participante. Cela défie l’enten-dement. L’idée de mosaïque canadienne s’oppose dans le détail, à celle d’une nation comme elle se conçoit aux États Unis, en Angleterre et en France. De même que dans la plupart des pays du monde.
Les Canadiens s’ignorent entre eux, sont trop loin à la fois dans l’espace et dans l’actualité, et s’imaginent à partir de clichés désolants. Ils se font les uns des autres des idées qui ne correspondent à rien de significatif ou si peu.
Les Montréalais ignorent tout des gens de Calgary ou de Saskatoon, et l’inverse aussi est vrai, palpable. Encore que je soupçonne qu’il y a plus de Montréalais qui connaissent le Canada dans le détail, qu’il n’y en a ailleurs dans le Canada qui connaissent les Montréalais.
On parle parfois en se gaussant des deux solitudes, mais vraiment le Canada est fait de beaucoup plus que de deux solitudes. Si on y ajoute les Amérindiens, les immigrants depuis plus de 100 ans, on pourrait parler de dizaines de solitudes. Sans caricaturer on pourrait dire que le Canada c’est de la solitude qui végète dans des espaces vides.
Le Québec déjà culturellement différent du reste du Canada, en s’affranchissant politiquement et administrativement de cet ensemble ne va pas le détruire voyons donc. Le départ administratif du Québec (parce que c’est bien de cela qu’il s’agit) va surtout forcer le Canada à repenser sa situation en Amérique du Nord. Il est plus que probable que l’Indépendance du Québec va provoquer chez tous les peuples du Canada des prises de consciences qui vont en changer les couleurs.
Cette nouvelle dynamique sera-t-elle aussi significative que celle de l’Europe actuelle, alors que ses pays indépendants, décident maintenant de s’en réclamer pour des motifs de gestion d’un plus vaste ensemble?
Personne ne peut le dire. Notons cependant que c’est précisément parce qu’ils sont tous indépendants que les pays de l’Europe peuvent se regrouper en une entité administrative agrandie, limitée à des champs de compétences spécifiques, dont le but est de faciliter leurs mouvements, leurs échanges.
Au fond, l’Europe est bien plus un espace de libre échange qu’elle n’est une identité collective.
L’Europe est un lieu géographique, pas un espace identitaire…ou si peu.
L’Europe est-elle moins européenne parce qu’on y trouve des Allemands, des Belges, des Lituaniens, des Hollandais, des Grecs, des Italiens des Espagnols, des Roumains, des Hongrois et j’en passe? Allons donc !
Le Canada est fait de quatorze entités politiques distinctes qui n’ont que très peu de rapports entre elles. Partout on est farouchement provincial. On s’identifie à son niveau de gouvernement, du moment qu’il se réclame d’un sentiment d’appartenance très local. Ce sentiment existe aussi au Québec c’est entendu, mais la langue y fait toute la différence.
De par sa spécificité en Amérique, elle représente un ciment unitaire et identitaire qui n’a comme pendant que celui du Brésil, seul pays de langue portugaise dans les deux Amérique. En Amérique le seul lieu véritable où l’Anglais est identitaire est aux États Unis. Et ce sont eux qui donnent le ton aux autres anglophones du continent. Qu’ils soient d’accord ou pas.
L’identité canadienne on le sait est très floue, et tient à des signes plutôt pathétiques. Un drapeau qui n’a pas cinquante ans, des attributs géographiques sublimés qui n’ont rien d’exceptionnels, parce qu’il y a en de semblables partout sur tous les continents. Un dollar copié sur le dollar américain. Un passeport comme il y en a des centaines partout ailleurs. Une langue Anglaise qui ne se distingue en rien de celle des États Unis, mis à part quelques petits travers anodins impossibles à répertorier, et que l’on signale pour la forme.
Bien sur, l’Himalaya a très certainement contribué à forger le caractère des Tibétains, des Indiens, des Pakistanais et de toutes ces entités aux caractères si marqués qui en investissent les vallées et les contreforts depuis des millénaires. C’est pareil pour les peuples de la Cordillère des Andes. On retrouve le même phénomène en Océanie.
Cependant, ces peuples ont des identités qui ne tiennent pas seulement à des accidents géographiques, si imposants soient-il.
Ici au Canada nous avons encore des gens qui veulent demeurer Canadiens parce qu'il y a les Rocheuses, les Plaines de l’Ouest, le majestueux fleuve Saint Laurent, les chutes du Niagara, et que sais-je? Tout cela est enfantin, parfaitement insignifiant.
Les Rocheuses sont là où elles sont depuis des dizaines de millions d’années, et ne vont pas disparaître comme par enchantement, parce que le Québec aura décidé de devenir indépendant.
En voilà une niaiserie!
Si vous aimez les Rocheuses, la toundra ou la mer de Beaufort, le Saguenay ou l’Île Sainte Hélène, le Rocher Percé ou le monstre du lac Pohénégamook, le territoire du Sasquash ou les trous des lemmings du Grand Nord, la Peace River ou le Lac Louise, vous pouvez y aller et vous laisser séduire, envouter par ces splendeurs dans le Soleil couchant. Ces endroits d’un pittoresque naturel sont accessibles à pied, en auto, à cheval, en motoneige et aussi par avion. Plus souvent qu’autrement c’est la télévision ou le cinéma qui vous permet de les visiter.
Idem pour les forêts du Mato Grosso, le Grand Canyon, l’Amazone, le bassin de l’Orénoque; pour le Sahara ou les champs de blés de l’Ukraine. Ces caractéristiques physiques de la morphologie terrestre bougent très peu. Pensez-vous sérieusement que les Parisiens sont parisiens à cause de la Seine, de la butte Montmartre ou de la tour Eiffel ?
Bien au contraire, c’est la ville de Paris qui est tributaire du caractère des Parisiens. L’exemple est ici bien choisi, parce que nous savons tous que si les Parisiens sont indiscutablement Français, ils sont d’abord et avant tout Parisiens. C’est bien évidemment là un grand malheur, mais que voulez-vous que j’y fasse? (C’est une blague).
Dans la mesure où on ne vous tirera pas dessus si vous avez le désir de contempler les merveilles du monde, elles sont là qui vous attendent.
En dehors du fait que temporairement on leur confère des noms issus d’un patrimoine linguistique local, cette accessibilité n’est limitée que par d’obscures et temporaires volontés administratives.
La nécessité de faire du Québec un pays ne peut pas être contrariée par de telles inepties. Le fait qu’il y ait eu dans le passé le plus récent, des politiciens qui ont osé proférer de telles platitudes, prouve abondamment que le Québec a tout intérêt à prendre ses distances avec des partis politiques qui recrutent de tels personnages.
Que de pareilles pauvretés aient été martelées par un politicien venu du Québec, est une affaire suffisamment honteuse pour qu’on n’ait pas à en payer le prix encore longtemps ! Tournons la page.
Voilà c’est fait, cette génération est maintenant derrière nous.
Ouf ! Pfiouuu !

À suivre dans le Deuxième Chapitre le 1er avril 2008

Julien Maréchal





[1] Au sens où on ne va pas jouer notre liberté à quitte ou double. L’Indépendance du Québec est une affaire de ré aménagement de pouvoirs politiques, à l’enseigne d’une nécessité culturelle.
[2] Au 27 novembre 2006, une motion visant à reconnaitre la nation Québécoise, est votée majoritairement par la Chambre des Communes à Ottawa où le Parti Conservateur gouvernemental est minoritaire. Un gouvernement minoritaire au Canada est une chose rarissime. La reconnaissance de la nation Québécoise est ici une affaire de stratégie. Ce n’est pas une raison pour s’en plaindre. Ce qui est bon à prendre…est bon.
[3] N’oublions quand même pas qu’en 2007 le français est la langue officielle du Québec, et que sa population est majoritairement francophone à plus de 85%.